Éditions Passiflore, 240 pages, 19 euros.
D’abord quelques mots sur l’auteur du livre, Marc Large, plus connu pour ses dessins de presse. Il a travaillé notamment pendant 13 ans comme pigiste, c’est-à-dire précaire, pour le quotidien régional Sud-Ouest, qui l’a licencié brutalement et injustement, en septembre dernier. Une histoire qui se poursuit logiquement aujourd’hui au tribunal des Prud’hommes… Marc avait participé au livre Ford Blanquefort : même pas mort, en soutien à la lutte contre la fermeture de l’usine, il avait aussi fait plusieurs dessins pour illustrer le journal de la CGT-Ford, Bonnes Nouvelles, durant les mois de bataille.
Les Landes avant la forêt industrielle
Mais si on parle de son roman, ce n’est pas pour le remercier encore une fois de sa solidarité. Car ce livre, sorti voilà déjà deux ans, est une découverte : celle d’une époque aujourd’hui révolue et d’une vie originale. Cette « folle histoire » est une belle histoire, émouvante, triste et aussi très intéressante. Elle raconte la vie de Félix Arnaudin (1844-1921), né et mort à Laboueyre (Landes), un personnage atypique et sympathique par ses choix de vie et ses convictions, un humaniste. Il est resté connu pour ses photographies, pour son travail et ses recherches scientifiques, pour son témoignage de la vie des gens de son époque et de sa région. C’est son travail notamment qui a permis les reconstitutions des maisons landaises, d’un village et de son organisation, pour l’écomusée de Marquèze (à Sabres).
Ça raconte les Landes, avant qu’il y ait la forêt, une forêt industrielle, à l’époque de Napoléon III. À partir des années 1860, les pins vont coloniser des terres pastorales, où des bergers sur échasses et leurs familles vivaient de l’élevage des brebis. Il y avait alors des landes à perte de vue, on voyait même les Pyrénées de très loin. L’arrivée de cette forêt provoquera la destruction d’un mode de vie, la misère pour les paysans et pour une population déjà pauvre. Elle provoquera en quelques années la disparition de la lande, de ses bergers et de ses brebis.
Félix Arnaudin, un anticonformiste
Félix Arnaudin en fut révolté. En ethnologue obsédé, il prendra des notes, énormément de notes, il se fera raconter par les gens du peuple, par les femmes aux lavoirs, par les bergers, toutes les petites histoires, les contes, les croyances et les mœurs de ce « peuple » qui allait disparaître. Il photographiera beaucoup aussi pour témoigner encore, en montrant les visages des gens qu’il côtoyait.
Issu d’une famille aisée, plutôt du côté des capitalistes exploiteurs de la nouvelle forêt et responsables de la misère des paysans expulsés, Félix Arnaudin s’en démarquera clairement, il s’y opposera, il vivra sa vie, anticonformiste et du coup marginalisé, il se battra dans tous les sens du terme pour vivre son amour avec Marie, une servante, ce qui était très mal vu et même inenvisageable à l’époque.
Pour celles et ceux qui voudraient en voir et en savoir un peu plus, un livre de photographies de Félix Arnaudin est paru chez Passiflore aussi : Félix Arnaudin, 100 ans après.