Publié le Mercredi 16 novembre 2022 à 15h04.

Servir les riches. Les domestiques chez les grandes fortunes, de Alizée Delpierre

Éditions La Découverte, 220 pages, 20 euros.

C’est un monde que nous pourrions croire révolu : celui des domestiques au service des plus grands fortunés. À travers cette enquête très précise (l’autrice a elle-même été au service de ces familles), Alizée Delpierre dévoile un univers où le code du travail est inexistant, la docilité des « domestiques » achetée à coups de cadeaux et de « bons salaires » mais où l’exploitation est bien réelle.

Les domestiques, essentiellement des femmes issues de l’immigration

Les domestiques sont nombreux, très nombreux. Ce sont essentiellement des femmes issues de l’immigration, des classes populaires et peu diplômées. Parmi elles et eux, tout comme pour n’importe quelle activité salariée, nous trouvons une hiérarchie avec des chefs, des sous-chefs, des exécutantEs, des spécialistes... et évidemment au sommet se trouvent plutôt des hommes issus des classes moyennes et plus diplômés.

Leur vie est dédiée au bien-être des ultra-riches

Leur lieu de travail est le domicile de leurs employeurs où la grande majorité d’entre eux résident. Ce lieu de travail atypique est un espace de non-droit auquel l’inspection du travail n’a pas accès. Il peut parfois être le théâtre de violences, d’agressions physiques, morales ou sexuelles. Le temps de travail n’a pas de limite puisque les domestiques sont à la disposition des ultra-riches jour et nuit et les conditions de travail sont souvent très difficiles. La vie sociale des domestiques est inexistante. Leur vie est dédiée au bien-être des ultra-riches qui peuvent ainsi vaquer à faire fructifier leur fortune sans contraintes.

Proximité quotidienne, mais classe sociale différente

Ce qui est frappant dans ce livre c’est aussi la dépersonnalisation des domestiques. En effet, de nombreux employeurs, modifient le prénom de leur domestique et annule ainsi ce qu’elles et ce qu’ils sont. La proximité quotidienne des domestiques avec leurs employeurs crée un sentiment d’appartenir à « la famille » mais aucunement à la même classe sociale, ce que les employeurs leur rappellent chaque jour.

Ce livre est passionnant. C’est une immersion dans un monde totalement méconnu et invisible. Nous nous retrouvons dans la fameuse « société de valets » d’André Gorz. Et plus les pages se tournent, plus l’envie de transformer radicalement cette société est grande. À lire sans modération.