Scénario et dessin d’Émile Bravo, Dupuis, 88 pages, 16 euros.
Janvier 1940. La guerre est imminente et la neige recouvre Bruxelles. Spirou, adolescent, est toujours groom à l’hôtel Moustic. Il attend désespérément le moindre client en rêvant à sa fiancée Kassandra, une jeune Allemande juive et communiste qui a trouvé refuge en Russie. Fantasio, un peu plus âgé, s’est engagé dans l’armée belge et fanfaronne sur la victoire promise aux Alliés… Nous voilà bien loin du monde habituel de Spirou. Dans la continuité de l’album Journal de l’Ingénu (2008), Bravo va encore plus loin dans la formation du jeune Spirou, en le confrontant à la guerre.
Guerre, débâcle, collaboration
Spirou rencontre Felix, un peintre juif allemand réfugié à Bruxelles, dont les tableaux ont été jugés « dégénérés » par les nazis. Felka, son épouse, lui apprend que Staline vient de livrer les communistes allemands aux nazis et que sa fiancée Kassandra est certainement retenue dans un camp. La guerre commence, Fantasio s’enfuit peu glorieusement et rejoint Spirou à Bruxelles qui vient d’être bombardée. L’état-major allié s’installe à l’hôtel Moustic où les « ganaches » anglaises et françaises se disputent les chambres. L’hôtel Moustic s’enflamme suite à l’explosion d’une bombe, ce qui prive Spirou de travail.
La population prend le chemin de l’exil. Fantasio veut rejoindre l’armée belge en compagnie de Spirou. De son côté, le gouvernement français ferme les frontières aux réfugiés car, c’est bien connu, « on ne peut pas accueillir toute la misère du monde ». Contraints et forcés, Spirou et Fantasio regagnent Bruxelles occupée. Fantasio prend, sans sourciller, un poste de journaliste au Soir, dont la direction est devenue pronazie. Spirou accepte lui d’encadrer des scouts affectés à la reconstruction d’un village. Entre les prêtres qui expliquent à Spirou qu’un bon Belge ne peut être ni juif ni communiste, les scouts wallons pronazis rexistes et la Ligue de la jeunesse flamande (VNV), Spirou commence à désespérer de sa Belgique. Il trouvera le réconfort auprès de villageoisES et de paysanEs qui mettent en place une résistance balbutiante.
Malgré tout, on rit vraiment
Le fait de raconter la Seconde Guerre mondiale sans fards ne devrait pas prêter à rire, mais nous sommes bien dans l’univers humoristique de Spirou et les gags ne manquent pas. Les cibles sont faciles, avec des militaires alliés plus soucieux de leur personne que de la guerre, les membres de la Gestapo qui font du zèle à leurs dépens, les fascistes wallons et flamands qui se disputent le titre de meilleur hitlérien, Fantasio trouffion tire-au-flanc qui accumule les gaffes… et les enfants toujours prêts à se moquer des adultes.
Le trait est délicat et élégant. Les couleurs subtiles. La ligne claire ne ferme jamais vraiment les contours des personnages qui se meuvent dans un environnement chaotique. Émile Bravo truffe l’album de clins d’œil à double sens à Hergé.
La deuxième partie de l’Espoir malgré tout s’intitulera Un peu plus loin vers l’horreur. Bravo devra faire des prodiges pour garder son sens de l’humour et des gags. À suivre donc.
Sylvain Chardon