Le résultat de la consultation nationale a bousculé toutes les prévisions. Peux-tu nous dire ce que tu retiens de cet événement ? Quelle est son originalité et quel est son impact ?
Olivier Besancenot. La consultation a été un succès, elle a surpris les organisateurs et plus encore le gouvernement. Il y a eu un véritable engouement dans le vote mais aussi dans les équipes militantes qui l’ont porté, avec parfois des personnes qui ne sont pas des militants mais qui ont réclamé des bulletins de vote pour les distribuer autour d’elles. Il s’est passé quelque chose de nouveau et d’enthousiasmant. Ce changement de statut intervient à la fin d’un cycle, celui de toute une série de privatisations de services publics essentiels, et maintenant, en plus des salariés, les usagers peuvent également en faire le bilan. Du côté des salariés, l’écho de ce qui se passe à France Télécom a évidemment beaucoup compté. Quant aux usagers, ils ont pu constater que loin des promesses annoncées, la privatisation s’est traduite par une baisse des prestations pour cause de rentabilité et par une augmentation des tarifs. Il y a aussi tout ce qu’on connaît ailleurs en Europe et qui va dans le même sens. Là, on a réussi à synthétiser sur une initiative militante ce qu’on pressentait, une implication à la fois des usagers et des salariés, jusque dans les petites communes où si le bureau de poste disparaît, il ne reste plus grand-chose.
Comment les postiers vivent-ils ce projet de privatisation, et qu’est-ce qui peut changer dans les semaines qui viennent après ce soutien massif de l’opinion publique ?
Olivier Besancenot. La consultation a eu un double impact : elle a permis aux salariés de vérifier que leur activité professionnelle était appréciée par le public. Ça remonte le moral de savoir que des gens sont attachés au boulot qu’on fait. Et puis la consultation, c’est le deuxième aspect, a été prise en charge non seulement par des gens à l’extérieur de la boîte mais aussi par les postières et les postiers, dans les locaux syndicaux, parfois même en dehors des centres de tri puisque la direction s’y opposait. Cela a amené des collègues qu’on ne voit pas habituellement dans les AG et sur les piquets de grève à sortir, à discuter, et à faire en sorte que ces lieux de vote soient autant de lieux de discussion. La combinaison de la journée de grève du 22septembre et de la consultation le 3 octobre a contribué à redonner confiance à tout le monde. C’est un point d’appui en interne pour préparer un mouvement par ailleurs absolument nécessaire, qui mette en échec le projet de la direction et du gouvernement.
Quel peut être le rôle du NPA pour empêcher la privatisation ?
Olivier Besancenot. Concrètement, il faut tout envisager face à un gouvernement qui veut passer en force d’ici le 15 décembre. La clé du succès a été l’unité : il faut associer un maximum de monde et d’organisations, il faut continuer à faire voter et rendre visible l’initiative des comités qui se sont mobilisés jusqu’à présent, avec une manifestation nationale ou à caractère national. Il faut travailler à la préparation d’une grève reconductible. On n’oppose pas ce qui peut se faire à l’extérieur et à l’intérieur de la boîte. Cette votation citoyenne, c’est aussi un signal adressé sans ambiguïté à l’ensemble des organisations syndicales et politiques sur le fait qu’un mouvement d’ensemble est nécessaire pour stopper tout ça. Sans ce mouvement, on n’y arrivera pas. Les postiers seuls n’y arriveront peut-être pas, mais sans les postiers, on ne peut pas envisager non plus de victoire. À un certain moment, dans le rapport de forces, bloquer les activités postales, bloquer la boîte est décisif, on n’y coupera pas. Alors pourquoi pas des salariés en grève reconductible avec la participation des usagers, des journées « poste morte » comme on envisage des opérations « villes mortes » où les postiers seraient en grève et où les usagers et les élus aideraient à tirer la grille à l’entrée des bureaux de poste ou des centres de tri ?
Propos recueillis par Jean-François Cabral