Publié le Mercredi 2 juin 2010 à 22h41.

Italie : il manque une vraie gauche anticapitaliste

 

Les élections régionales des 27 et 28 mars ont donné quelques résultats indiscutables : en pre–mier lieu la « victoire » de l’abstention – presque 2 millions d’électeurs en moins par rapport aux élections européennes de 2009 – ce qui a comme effet immédiat le succès politique de la Ligue du Nord, dans le cadre d’un maintien de la droite au pouvoir et de Berlusconi […].

Après les élections régionales qui ont eu lieu en Italie, fin mars, nous publions des extraits du bilan rédigé par Sinistra Critica.

Évidemment, l’abstentionnisme est un signal non univoque : indifférence, éloignement croissant d’une politique qui n’offre pas de solution aux besoins sociaux ; acceptation de la « politique-spectacle » à laquelle on assiste mais ne participe pas ; manque de référent politique que l’on puisse sentir proche de ses propres idées et de ses perspectives : telles sont, et il y en aurait bien d’autres encore, les raisons d’un manque d’intérêt croissant envers les élections. […] C’est en particulier le résultat d’une désillusion généralisée et d’une démorali­sation qui plongent leurs racines dans l’inconsistance absolue de l’alternative poli­tique et d’une perspective crédible qui s’oppose au berlusconisme mais aussi à la crise actuelle.

C’est aussi pour cela que la Ligue du Nord réussit encore une fois à se présenter comme un parti « de lutte et de gou­ver­ne­ment », pesant sur des choix importants au niveau gou­ver­nemental (en particulier contre les migrants et en matière de « sécurité »), garantissant la tenue du gou­ver­nement Berlusconi, et faisant en même temps une propagande dans les quartiers populaires […].

La droite perd des centaines de milliers de voix mais elle remporte le pari de ce qu’elle a nommé « les élections de mi-parcours », en évitant cet « effet Sarkozy » qu’elle craignait […].

Le centre-gauche sort vaincu de ces élections […] parce que sa proposition n’apparaît pas comme une réelle alternative, attentive à ce qui bouge dans la société. […]

Même la « gauche » recule encore – en continuité avec la courbe descendante commencée dès la chute du gouvernement Prodi en 2008. […]

« Sinistra ecologia e libertà » (SEL, qui regroupe une scission de Rifondazione, du Parti démocrate et une partie des Verts) n’obtient pas de grands résultats. […]

La Federazione della sinistra (Fédération de la gauche), qui perd presque un tiers de voix par rapport à l’année dernière, ne parvient pas à affirmer une position claire et une identité forte, alternative, mais au contraire navigue à vue à l’intérieur et à l’extérieur du centre-gauche, et perd du soutien dans deux régions significatives : en Campanie et en Lombardie. […]

Ces élections ont vu encore une fois l’absence d’une gauche anticapitaliste, alternative tant à la droite qu’au centre- gauche, capable d’être référence et expres­sion des luttes sociales, de la protestation antiraciste, et d’une idée innovante de la politique. Nous ne pensons pas qu’une expérience électorale de cette proposition aurait dès à présent représenté une alter­native électoralement crédible, et aurait donc pu obtenir un résultat significatif. Nous pensons toutefois, et le réaffirmons, que c’est le seul chemin à suivre et qu’il faut le suivre dès les prochains mois.

Une gauche anticapitaliste et alternative qui ne pourra pas naître d’un simple accord entre « groupes dirigeants » ou « sigles » de partis mais qui devra reconstruire la raison même de sa nécessité dans une composition de classe nouvelle et inédite […], dans les luttes et les résistances sociales, dans l’enracinement local et la défense sans condition de l’environnement et des biens publics, dans la formation d’une nouvelle génération politique sans laquelle la gauche ne pourra plus sortir de son inefficacité et inutilité politique et sociale d’abord, électorale ensuite.

Nous sommes depuis toujours engagés dans la définition de cette perspective et nous nous adressons une fois de plus à toutes les forces, sociales et politiques, qui ne veulent pas se faire aspirer par la résignation ni s’accommoder une fois encore de l’énième tour de manège de « l’unité antiberlusconnienne » interne au centre-gauche. Nous proposons de créer un « espace commun », un périmètre de forces anticapitalistes, écologistes, fémi–nistes qui sache tout d’abord expérimenter de nouvelles formes d’actions sociales, et ainsi reconstruire une crédibilité perdue. C’est seulement un processus de ce type, un « nouveau départ », qui pourra également donner, lorsque les conditions seront réunies, des résultats aux élections.

Aujourd’hui plus que jamais, il n’y a pas de raccourci possible.

Traduction Brune Seban et Pablo Seban.