« Nous nous proposons de procéder à une excavation de la révolution andine, dont les couches successives de sédimentation historique forment le sous-sol, le terreau, le paysage et les points de vue de la lutte politique actuelle en Bolivie », tel est l’objectif affiché par les deux auteurs de cet ouvrage, objectif largement atteint par ailleurs. Cette récente traduction de l’anglais (États-Unis) d’une édition de 2007 est donc une bonne nouvelle pour les lecteurs et militants francophones qui s’intéressent à la Bolivie contemporaine, pays le plus appauvri d’Amérique du Sud, marqué par plus de deux siècles d’insurrections et de luttes populaires. Car le grand apport de ce livre est de mettre en perspective et analyser les racines de la Bolivie d’Evo Morales grâce à une vision ancrée dans un temps long, du xviiie siècle jusqu’à nos jours. On y retrouve en particulier trois grands « moments révolutionnaires » : les luttes anticoloniales indiennes menées à La Paz par Tupaj Katari (1780-1781), la révolution de 1952-1953 alimentée par le mouvement ouvrier minier et, enfin, les années 2000 avec « la guerre du gaz » et les « guerres de l’eau » qui ont abouti à la conquête du gouvernement par le Mouvement au socialisme (MAS). Cette vision panoramique souligne comment les luttes indigènes et « nationale-populaires » ont longtemps parcouru des chemins séparés et de quelle manière elles peinent encore à se retrouver aujourd’hui. C’est pourtant bien ce même « esprit de la révolte », ainsi que le rappelle Adolfo Gilly dans le prologue, qui traverse une histoire encore en train de s’écrire. Franck Gaudichaud
Éditions IMHO, 220 pages, 18 euros