Publié le Mercredi 23 mars 2011 à 09h57.

18 mars 1871. Place à la Commune !

C’est la résistance du peuple parisien qui s’est révolté contre la volonté de Thiers de reprendre les canons à la Garde nationale, qui a donné le coup d’envoi à la Commune de Paris. Après la capitulation de Sedan et la capture par les troupes prussiennes de Napoléon iii, la proclamation de la République, le 4 septembre 1870, a donné lieu à une véritable course de vitesse entre un mouvement populaire parisien aux aspirations révolutionnaires et la gauche républicaine modérée. Celle-ci a constitué un « gouvernement républicain de défense » supposé organiser la résistance militaire aux occupants. Mais plus encore que les armées étrangères ou le retour de l’Empire, ses partisans bien que républicains craignent surtout la dynamique des mobilisations populaires. À l’inverse, la République que revendique le mouvement populaire est vraiment démocratique – avec des élus contrôlés par la base – vraiment sociale… et menant jusqu’au bout la lutte contre l’occupant. Fin janvier, le gouvernement conclut un armistice avec les Prussiens, organise des élections qui donnent une large majorité aux monarchistes et aux bonapartistes. Reste à désarmer le peuple parisien… Crosse en l’airLe 18 mars, vers 3 heures du matin, l’armée régulière tente de s’emparer des canons conservés là où la Garde nationale les avait rassemblés : les Buttes-Chaumont, Belleville, le faubourg du Temple, la Bastille, l’hôtel de ville. Encore faut-il les mettre en lieu sûr. Ce qui va prendre du temps… Le temps, justement, que se manifeste la riposte populaire. Alors que le jour se lève, aux Buttes-Chaumont, l’armée est entourée par une foule, essentiellement composée de femmes, qui empêche l’évacuation des canons. Malgré les ordres, les soldats refusent de tirer. Ils mettent crosse en l’air et fraternisent avec la population. Dans le Marais, par trois fois, le général Lecomte donne l’ordre de tirer. Par trois fois, les soldats refusent. La foule le fait prisonnier ainsi que ses officiers. Ses soldats veulent le fusiller. Les gardes nationaux qui ont fini par accourir le conduisent au quartier général des bataillons de Montmartre. Finalement, il est exécuté dans l’après-midi, de même qu’un autre général.Dans différents quartiers de Paris se déroulent des échanges de coups de feu et des affrontements ainsi que de nombreuses scènes de fraternisation entre les soldats de l’armée régulière envoyés par le gouvernement pour mater le peuple parisien et la Garde nationale, qui se vit comme une sorte d’armée populaire, de « peuple en armes ». L’est de Paris se couvre de barricades. Thiers, le chef du gouvernement, ordonne le repli des troupes qui lui sont restées fidèles sur la rive gauche, autour du Quai d’Orsay. Puis il s’enfuit à Versailles, avec son gouvernement. Dans un premier temps, la foule mobilisée et les gardes nationaux décident de rester dans les différents quartiers pour les défendre : on craint un retour de l’armée. Puis, Émile Eudes, révolutionnaire blanquiste1, parvient à entraîner les manifestants et les bataillons de gardes nationaux qui sont à Belleville. Sur la rive gauche, Émile Duval, un autre blanquiste, également membre du comité central des Vingt arrondissements2, entraîne ceux des 5e et 13e arrondissements. Aux Batignolles, Eugène Varlin, membre de l’Association internationale des travailleurs3, fait de même. Tous les cortèges convergent vers l’hôtel de ville qui est occupé en début de soirée, comme les ministères, la préfecture de police et l’ensemble des lieux institutionnels du pouvoir. Le comité central de la Garde nationale4 s’installe à l’hôtel de ville. Insurrection populaireCe qui vient de se passer ce 18 mars 1871 n’est donc absolument pas une insurrection anticipée, voulue et organisée par un état-major révolutionnaire. Le moment décisif, celui où tout a basculé, c’est quand la foule entoure les soldats venus enlever les canons. Au début de la journée, ni les révolutionnaires du parti de Blanqui, ni ceux de l’Association internationale des travailleurs, ni les membres du comité central des Vingt arrondissements, ni ceux nouvellement élus du comité central de la Garde nationale ne sont présents. C’est donc une foule sans organisation, sans consigne, sans dirigeant qui prend spontanément l’initiative du soulèvement. Ce n’est qu’ensuite, dans la journée, que les différents militants ou les gardes nationaux organisés font converger l’énergie populaire vers l’hôtel de ville. Ceux qui y siègent maintenant sont donc – consciemment… ou à leur corps défendant – « le pouvoir ». Ce pouvoir nouveau est né d’une insurrection. Le 26 mars, un scrutin municipal confirme sa légitimité. Le 28 mars, il prend le nom de « Conseil de la Commune de Paris ». François Coustal1. Auguste Blanqui, révolutionnaire républicain et communiste, incarne l’opposition irréductible aux pouvoirs établis, ce qui lui valut 37 années d’emprisonnement. 2. Créé en septembre 1870 pour « contrôler » les maires d’arrondissements – non élus mais nommés par le gouvernement - le comité central des Vingt arrondissements comprend quatre délégués par arrondissement. 3. Fondée en 1864, l’Association internationale des travailleurs – ou Première Internationale – regroupe alors des militants, des courants politiques, des associations, des syndicats et des sociétés de pensée qui se réclament explicitement du combat pour le renversement du capitalisme et l’émancipation de la classe ouvrière. Ses figures les plus connues sont Karl Marx et Michel Bakounine. 4. Début mars, la Garde nationale s’est dotée d’une représentation démocratique, sous forme de trois représentants par compagnie, sans distinction de grade. L’ensemble de ces représentants constitue le comité central de la Garde nationale. Tout est à nous ! la Revue y consacre son numéro d’avril (voir p. 11).