Lors de son discours de politique générale le 15 juillet, le Premier ministre Jean Castex a annoncé qu’il entendait faire proposer, à la rentrée, « un projet de loi sur la lutte contre les séparatismes ». Une loi qui aurait pour objectif « d’éviter que certains groupes ne se referment autour d’appartenances ethniques ou religieuses ». On l’aura compris, il s’agit une fois encore d’agiter le spectre du « communautarisme » et du « séparatisme », des concepts fourre-tout destinés à stigmatiser les musulmanEs en les rendant responsables de tous les maux de la société et en jetant la suspicion quant à leur prétendue volonté d’« islamiser » la France.
Quelques jours plus tôt, Castex expliquait : « Je ne peux pas admettre certains replis sur soi, certains communautarismes ». Une étrange déclaration, dans laquelle le Premier ministre semble admettre, en creux, que « certains » communautarismes seraient plus admissibles que d’autres. Voilà qui ne peut que nous inciter à penser à ce séparatisme bien réel, dont les pouvoirs publics ne parlent jamais, et qui a pourtant été largement documenté par la sociologie, avec notamment les travaux de Pinçon-Charlot : le séparatisme des riches. Un phénomène d’une ampleur telle que même la fondation Jean-Jaurès, peut suspecte de gauchisme, s’en inquiétait en 2017 dans un rapport intitulé « 1985-2017 : quand les classes favorisées ont fait sécession ». Extrait : « Il s’agit d’un processus de séparatisme social qui concerne toute une partie de la frange supérieure de la société. Les occasions de contacts et d’interactions entre les catégories supérieures et le reste de la population sont en effet de moins en moins nombreuses. De manière plus ou moins consciente et plus ou moins volontaire, les membres de la classe supérieure se sont progressivement coupés du reste de la population et ont construit un entre-soi confortable. Cette situation n’est certes pas totalement nouvelle et il ne s’agit pas de glorifier une période révolue où aurait existé une osmose parfaite entre les élites et le peuple. Mais, comme nous allons le voir, un processus protéiforme s’est mis en place depuis une trentaine d’années, creusant un fossé de plus en plus béant entre la partie supérieure de la société et le reste de la population. Cette distance croissante explique le fait que les élites ont de plus en plus de mal à comprendre "la France d’en bas". Mais elle aboutit également à une autonomisation d’une partie des catégories les plus favorisées, qui se sentent de moins en moins liées par un destin commun au reste de la collectivité nationale, au point que certains de leurs membres ont fait sécession. » Vous avez dit séparatisme ?