Binge édition, 160 pages, 15 euros.
«Certains corps, s’ils étaient écoutés, avoueraient peut-être que la sexualité ne constitue simplement pas un espace qu’ils ont plaisir à investir. »
Révolution sexuelle ?
Tal Madesta entame bille en tête, affirmant que la révolution sexuelle n’a pas eu lieu. Se refusant à considérer la sexualité comme une question personnelle mais bien plutôt comme un objet politique, un projet d’émancipation, rompant donc, forcément, avec la quête de la normalité.
Vue sous cet angle, la supposée révolution sexuelle enclenche deux mouvements concomitants : l’individualisation du rapport à la sexualité et une forme de libéralisation (et non de libération) débouchant sur l’injonction à une forme de performance. Haro sur celles et ceux qui restent en dehors du désir de désirer à tout prix !
Pathologisation
Alors bien sûr, ces corps qui ne sont pas désirants ne peuvent être que malades, détraqués, et sont à réparer. Mais pas d’inquiétude, comme c’est devenu un marché, le produit, le traitement, la thérapie, existe et se vend, s’ajuste à chacunE et s’achète.
Tal Madesta pose les bons mots sur cette entreprise de normalisation, qui correspond à une entreprise capitaliste de contrôle social en imposant un modèle de sexualité directement inspiré de la norme hétérosexuelle de la famille nucléaire, entendue comme cellule de base de la société capitaliste.
Dans la sexualité aussi, le capitalisme conduit les individus à intégrer des normes qui ne sont en réalité rien d’autre que les instruments d’un contrôle social et économique. La sexualité devient donc le facteur non de la libération mais de l’aliénation. Au centre de cette entreprise, l’injonction à avoir une vie sexuelle, et une bonne vie sexuelle, performante !
Des alternatives
Alors pour sortir de l’injonction, pour sortir du « tout-sexualité », Tal Madesta propose de désinvestir le désir, de faire l’histoire de l’amour sans sexe. Là encore, il se refuse à adopter une grille de lecture individuelle, à la carte, car ainsi on se prive de poser la question dans une perspective anticapitaliste.
L’inventaire des expériences inspirantes se trouve alors du côté de communautés LGBTI, dans l’histoire des mariages de Boston ou des béguinages, et les invariants des expériences vécues ou à inventer se trouvent du côté de la rupture avec les rapports de domination de la famille nucléaire, avec la prise en charge collective et démocratique des espaces et des événements de la vie, dont l’éducation des enfants.