Publié le Mercredi 10 février 2021 à 16h41.

Deux « Tracts » chez Gallimard

De la démocratie en pandémie, de Barbara Stiegler, 64 pages, 3,90 euros ;
Parole d’en haut, silence d’en bas, de Danièle Sallenave , 64 pages, 4,90 euros.

Ces deux écrits sont parus au même moment, au mois de janvier, et dans la même série « Tracts » chez Galimard. L’autre point commun est que leur lecture est très appréciable et donc très utile. Il s’agit de deux réflexions sur la situation actuelle et son évolution inquiétante, sur le pouvoir qui se durcit, sur nos droits collectifs ou individuels qui se réduisent, sur des formes de violences sociales et politiques qui se renforcent, bref un constat pas terrible. Mais il n’y a aucune démoralisation ou résignation, au contraire, face aux difficultés et aux reculs démocratiques subis aujourd’hui, il est question de résistances intellectuelles, de ­résistance tout court.

Deux paroles lucides et vivifiantes

Barbara Stiegler, professeure de philosophie politique à l’université de Bordeaux, dénonce un pouvoir qui se saisit opportunément de l’épidémie et de la crise sanitaire pour semer peur et sidération dans la population, et à partir de là un climat qui permet de glisser dangereusement vers une gouvernance pour le moins autoritaire et vers des remises en cause de droits démocratiques. L’alerte est lancée, il y a clairement un danger, l’heure est à la riposte, notamment en lançant comme un appel à la lutte des universitaires et scientifiques. Surtout ne pas laisser faire, ne pas se laisser faire. Elle écrit : « Notre conviction est que le sort de la démocratie dépendra très largement des forces de résistance du monde savant et de sa capacité à se faire entendre dans les débats politiques cruciaux ».

Danièle Sallenave, écrivaine, parle aussi d’un pouvoir qui impose sa domination et sa morale. Elle dénonce des débats faussés comme sur le terrorisme, l’islam, la laïcité… qui ne sont que des moments de propagande, toujours sous tension de ceux qui ont le monopole de la parole (médias et pouvoirs). Elle constate, comme dans son « tract » précédent, Jojo le gilet jaune, l’importance de l’irruption de la parole d’en bas. Elle raconte très bien d’ailleurs la difficulté qu’ont les gens à exprimer leur avis parce qu’elles et ils ne se sentent pas légitimes pour parler, parce qu’on ne leur demande même pas leur avis. Pour l’auteure, « la vraie inégalité est là. Entre ceux qui ont un accès à la parole et ceux qui ne l’ont pas ». Et puis encore, il est question d’urgence démocratique en appelant à débattre largement, à se poser des questions, à savoir mettre en cause les idées ­préconçues, sur les problèmes de société.

Ce n’est pas facile d’expliquer la pensée des autres, il y a le risque de déformer le propos voire de ne pas tout comprendre. Alors le mieux c’est de lire ces deux textes, ces deux paroles vivifiantes qui nous feront oublier, au moins un temps, les longues heures à se faire intoxiquer devant les chaînes d’information en continu. En plus, c’est pas cher (3,90 et 4,90 euros), c’est court donc encore plus accessible et le format permet de les faire circuler : c’est bien de partager ce qui est utile.