De Dimitri Delioanes, L’Esprit du temps, 2015, 14,50 euros.
Ce livre d’un journaliste grec constitue une version actualisée (à la marge) d’un ouvrage paru en Italie début 2015 sous un titre moins ronflant que celui choisi pour l’édition française, donc avant les élections du 25 janvier. L’auteur a eu de longs entretiens avec Alexis Tsipras dont les propos sont souvent cités. Le livre est avant tout centré sur la sphère politique : on n’y trouvera rien ou pas grand-chose sur les mouvements sociaux. Son principal intérêt est un récit assez bien informé de l’évolution de Syriza depuis sa constitution et surtout une transcription des positions de Tsipras. L’auteur éprouve une estime sans borne pour ce dernier et un large mépris pour Syriza, notamment pour la gauche du parti. Pour Delioanes, « Tsipras est seul et il a bien des kilomètres d’avance sur son parti »...
En fait, la lecture de ce livre montre que le tournant de juillet dernier et le virage de la majorité de Syriza vient d’assez loin. Depuis 2012, Tsipras a utilisé avec ténacité sa cote personnelle de popularité pour infléchir les positions du parti. Le livre ne dit malheureusement rien de ceux qui, à la direction de Syriza, l’ont soutenu (comme, par exemple, l’actuel vice-Premier ministre Dargasakis). Cependant, deux facteurs se dégagent clairement. D’abord l’héritage eurocommuniste qui induit notamment une incapacité à concevoir un véritable affrontement avec l’Union européenne. Ensuite l’idée que les couches populaires sont « fatiguées » et « résignées » après l’échec des grèves générales et attendent donc que Syriza arrive au gouvernement.
Pour la direction, tout se concentre donc désormais sur les échéances électorales (cela alors que Tsipras avait eu auparavant une phase altermondialiste et mouvementiste...). Au nom de cet objectif, il ne faut laisser aucun espace aux manœuvres pour faire émerger une formation « centriste » conséquente et plus présentable que la coalition gouvernementale, et constituer un nouveau bloc social et national, en élargissant Syriza et ses candidatures électorales à des transfuges d’autres partis, notamment du Pasok. Cela va induire une évolution à droite des positions du parti. La suite est connue…
Henri Wilno