Publié le Mardi 15 novembre 2011 à 07h27.

Essai : Le crime de Tibhirine Révélations sur les responsables (Jean-Baptiste Rivoire)

Au printemps 1996, sept moines français étaient assassinés en Algérie. Depuis plus de dix ans, Jean-Baptiste Rivoire, journaliste à Canal +, enquête sur la guerre civile algérienne qui s’est ouverte avec le coup d’État militaire de janvier 1992 et nous dévoile de manière passionnante les dessous de cette histoire sanglante. Ce livre conteste le discours « éradicateur » qui domine toujours en France. Il dénonce la politique des généraux qui ont mis l’Algérie à feu et à sang (plus de 100 000 morts), au nom de la lutte contre l’islamisme, pour défendre leur politique de pillage des richesses et de mise en coupe réglée de la population.

Il démontre que les moines ont été enlevés par un commando composé de militaires et de militants du GIA (groupe islamique armé), lui-même infiltré par la DRS (services secrets algériens). Cet épisode s’inscrit dans un contexte de violence d’État. Depuis 1988, la dictature faisait face à un mouvement de contestation sociale qui rappelle les révolutions arabes actuelles. Fin 1991, le Front islamique du salut (FIS) gagnait les élections. Au nom de la défense de la démocratie, les militaires stoppèrent le processus électoral, avec l’assentiment de la France. Pour mener leur guerre « contre-insurrectionnelle », les militaires algériens reprirent les pires méthodes de l’armée française durant la guerre d’Algérie ou des militaires sud-américains durant la mise en œuvre du plan Condor dans les années 1970 : répression, provocation, infiltration, manipulation du terrorisme, torture, assassinats… Ces manœuvres visaient à décrédibiliser le FIS et légitimer la dictature. Le bilan fut terrible, surtout pour les civils.

Les moines furent justement assassinés parce qu’ils étaient « trop proches » du peuple. Ils ne voulaient pas partir de Tibhirine, laisser la population seule face à l’armée. Ils refusaient le « choc des civilisations et des religions », ils gênaient l’État algérien. Officiellement, quinze ans après, l’État refuse toujours de reconnaître la responsabilité des services secrets algériens, mais aussi français dans ce qui constitue un mensonge d’État de plus.

Antoine Boulangé

La découverte, 328 pages, 20 euros

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