Publié le Dimanche 25 septembre 2016 à 12h02.

Essai : Petit traité de hasardologie

De Hubert Krivine, Éditions Cassini, 2016, 14 euros. 

Ce n’est certainement pas par hasard qu’Hubert Krivine sort un nouveau livre. Il y a même de fortes probabilités que ce travail s’inscrive dans une logique déterministe au regard de ses précédents ouvrages. Cette fois, et c’est son originalité, il s’attaque au relativisme ambiant (tout se vaut, on ne sait pas si on sait…) en visant au cœur du problème, le hasard, place forte du relativisme.

Avec clarté et humour, proposant plusieurs niveaux de difficultés, il nous invite à « une promenade un peu au hasard dans le monde des probabilités ». Le chemin est accidenté mais riche en découvertes… D’abord, il nous familiarise avec les calculs de probabilités en développant des notions compréhensibles au commun des mortels que nous sommes pour mieux tordre le cou aux impostures qui, sous couvert de science, justifient des préjugés à coups de données chiffrées, de statistiques... et de probabilités. Il aborde la question du hasard sous l’angle de la science pour aider le lecteur profane à ne pas se laisser abuser par le désordre du monde et en découvrir la rationalité.

« L’effet Coluche »

Hubert Krivine démythifie l’usage des chiffres et des statistiques pour imposer à l’opinion des préjugés sans fondement, ce qu’il appelle « l’effet Coluche ». Le célèbre comique disait que quand on est malade, il ne faut surtout pas aller à l’hôpital : toutes les statistiques enseignent que la probabilité de mourir dans un lit d’hôpital est trois fois plus élevée qu’à la maison ! Sauf qu’il y a plus de probabilité de mourir quand on est malade que bien portant…

La presse quotidienne abonde en ce genre de statistiques foireuses comme de cet art de tromper son monde en faisant d’une simple corrélation entre des événements une relation de cause à effet. Les démagogues politiciens sont champions dans cet exercice…

Dieu joue-t-il aux dés ?

On a souvent considéré le hasard comme un autre nom donné à notre ignorance des causes. En fait, nous explique Hubert Krivine, la science moderne l’a intégré dans ses raisonnements comme un élément de la réalité en particulier dans la théorie du chaos qui décrit des phénomènes où la connaissance des causes ne permet pas de savoir ce qu’il adviendra de leur évolution au bout d’un certain temps. Dans la physique quantique aussi qui dit que l’on ne peut connaître en même temps la vitesse et la position d’une particule. Là encore déterminisme et hasard ou phénomène aléatoire ne sont pas opposés.

« Dieu ne joue pas aux dés », disait Einstein. « La pensée probabiliste » intègre aujourd’hui le hasard dans les raisonnements scientifiques, « le hasard matérialiste » ne serait pas l’expression de notre ignorance mais des progrès des sciences pour aborder la réalité dans sa complexité et ses évolutions. Dans l’évolution du monde vivant aussi se combinent phénomènes aléatoires, faits du hasard et déterminisme.

Et on apprend qu’« en zoomant sur le temps comme sur l’espace, on peut faire varier le hasard, c’est-à-dire notre incapacité à expliquer ou à prévoir », tout semblerait n’être qu’une question d’échelle…

« La hasardologie, ça n’existe pas » nous prévient l’auteur dès l’introduction. Probablement, mais la promenade vaut le détour.

Yvan Lemaitre