Publié le Samedi 6 juillet 2013 à 11h47.

Exception culturelle : protection et illusion

À l’occasion de la négociation du TTIP (Transatlantic Trade and Investment Partnership) entre l’Union européenne et la France, la question de l’exception culturelle s’est invitée à nouveau au cœur des débats.C’est ainsi que José Manuel Barroso, le président de la commission européenne, a affirmé que la décision d’exclure la culture du champ des négociations « fait partie d'un agenda antimondialisation […] complètement réactionnaire ». Cette déclaration dit assez bien le caractère insupportable pour les néolibéraux d’un tel « dispositif » qui a connu sa première victoire en 1993 autour de la bataille contre les accords du GATT. À l'époque, la culture (le cinéma, l’audiovisuel, la musique, etc.) ne fut pas mentionnée dans le Traité de Marrakech (1994) qui allait donner naissance à l’Organisation mondiale du commerce. « La culture n’est pas une marchandise comme les autres » disait alors, entre autres, une partie des militantEs, accréditant tout de même le fait qu’elle était belle et bien une marchandise…L’exception culturelle propose ainsi d’ « excepter » les activités liées à la culture du droit commercial commun. Ceci permet à la culture de bénéficier de tout un arsenal de soutiens à la production, à la distribution, à l’exploitation et à l’action culturelle (festivals, actions éducatives dans et hors du milieu scolaire) qui seraient rendus impossibles et illégaux dans le cadre des accords économiques. Ses conséquences sont d’ailleurs fortes pour la survie d’artistes et d’œuvres que la loi du marché empêcherait d’exister… Sans conteste, l’exception culturelle a ainsi joué, ces dernières années, un rôle fort de protection du monde culturel.Une rupture ?Pour autant, si l’exception culturelle heurte les fanatiques du néo-libéralisme comme Barroso, elle ne saurait être assimilée à une revendication anticapitaliste ! Sa vertu est protectrice pour les productions artistiques et culturelles les plus fragiles et menacées, mais elle ne rompt pas avec la logique du profit et de l’exploitation, dont l’art et la culture ne sont en rien exemptée… Elle est un frein à la déréglementation généralisée et à l’accélération de la sauvagerie marchande, mais elle ne s’y oppose pas et lui est en grande partie compatible…Par ailleurs, si l’exception culturelle a été réaffirmée, non sans ambiguïté, à l’occasion de la récente négociation, elle avait en grande partie fonction de leurre. Le TTIP est, en effet, l’occasion d’une nouvelle offensive du Capital. Son but est de supprimer les « barrières non tarifaires » au commerce, c’est-à-dire les normes constitutionnelles, légales, réglementaires dans chaque pays, lorsqu’elles sont susceptibles d’entraver une concurrence érigée en liberté fondamentale suprême à laquelle aucune entrave ne peut être apportée. Ces normes peuvent être de toute nature : éthique, démocratique, sociale, environnementale, financière, économique (1)… L’exception culturelle sert ainsi de paravent « offensif » à Hollande pour camoufler ses nouvelles abdications.Face à la logique de privatisation du monde qu’opère le capitalisme, il y a lieu d’imposer une autre logique : celle de sa démarchandisation et de l’extension maximale et radicale de l’exception. Car c’est bien, en effet, l’ensemble de nos vies (santé, logement, éducation, culture, etc.) qui doit être exceptée du commerce et de la marchandise.Olivier Neuveut1. http ://www.politis.fr/Le-TTIP-la-pire-menace-pour-les,22649.html