Éditions Calmann-Lévy, 2022, 608 pages, 24,50 euros
Tout commence à l’aube du 20e siècle, dans la Finlande occupée par la Russie tsariste. Près du golfe de Botnie, la famille Koski survit à peine. L’aîné, Ilmati fuit la misère aux États-Unis, tandis que sa sœur Aino découvre le socialisme. Mais la répression s’abat, et Aino comme son frère Matti sont contraints à leur tour de s’enfuir en Amérique.
De la Finlande aux rives de la Columbia
Ils arrivent près de l’embouchure de la Columbia River, où vit déjà une forte communauté d’immigréEs scandinaves. Tous ou presque sont employéEs dans des colonies de bûcherons. Le bois enrichit vite le patronat local, semi-mafieux, et ce d’autant plus qu’aucune loi ne protège les travailleurEs. Aino devient vite l’animatrice d’une section locale des IWW (Industrial Workers of the World), syndicat d’action directe qui refusait les divisions entre les travailleurEs et anime de nombreuses grèves violemment réprimées. Ses frères, quant à eux, essayent de démarrer une nouvelle vie en espérant profiter du « rêve américain ».
Près d’un demi-siècle s’écoule dans ce long roman. On y croise le célèbre syndicaliste Joe Hill (né Joel Emmanuel Hägglund et d’origine suédoise), on y vit l’oppression grand-russe, les combats pour les 8 heures, l’écrasement féroce des IWW par la répression gouvernementale, les tentatives de division des travailleurEs (américains contre scandinaves, suédois et norvégiens contre finlandais, scandinaves contre italiens ou grecs, etc.) pour tirer les salaires vers le bas et casser la grève, la « Peur rouge » aux États-Unis et la « Terreur blanche » en Finlande, la crise de 1929.
Cette saga familiale, animée d’un souffle épique, est difficile à lâcher, et suscite en nous empathie et admiration pour les personnages et leur combat pour la dignité, pour la justice sociale. Petit-fils d’une « Rouge », Karl Marlantes, l’auteur, s’est inspiré des souvenirs familiaux pour écrire ce beau roman.