Jacques Mondoloni, Éditions Arcane 17, 2016, 22 euros.
Nostalgie, nostalgie. Les essais sur Mai 68 sont plus nombreux que les romans. Fleur de rage en dit pourtant plus long sur l’ambiance qui régnait dans les rues de Paris, à l’époque où volaient joyeusement les pavés, que bien des documents universitaires et historiques plus ambitieux.
Jacques Mondoloni, qui fut lui-même « sonorisateur » dans une autre vie, nous entraîne à la suite d’un groupe de musicos ambulants dans les rues de la capitale et de quelques cités de province. Au fil de leurs aventures, ces joyeux drilles vont faire un bout de chemin avec une idole qui veut voir ce qui se passe à la Sorbonne occupée mais pas prendre trop de risques, accompagner un « chanteur engagé », traverser des barricades, rencontrer toutes sortes de gens, mener une vie amoureuse débridée, c’est-à-dire selon le slogan d’époque « Jouir sans entraves »... C’est truculent, tendre, plein d’humour ravageur et iconoclaste, et rondement mené. On ne s’ennuie jamais en cette compagnie.
Certaines scènes semblent étrangement d’actualité, telle cette rafle policière. « Personne n’y échappe. Tous sexes toutes catégories. Ensuite tout le monde est entassé dans les cages. Les blessés pissent le sang, ne sont pas soignés. Les étrangers par exemple. Leurs appareils photo sont fracassés, leurs passeports déchirés. Les basanés, exilés des terreurs sud-américaines, sont particulièrement visés. "Salope, retourne au Chili !" À l’aube les flics d’abord les touristes friqués. Puis les manifestants. de nouveau pleuvent les matraques. Parfois des brutes vous coursent jusqu’au métro. » Comme quoi l’histoire semble une fois de plus bégayer.
Un petit bijou passé hélas inaperçu lors de sa première parution en 1995. Et un voyage dans le temps bien sympathique, malgré les coups de matraque et de rangers !
Gérard Delteil