De Mona Eltahawy, Belfond, 2015, 19 euros.
« Filles du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord, soyez impudiques, soyez rebelles, désobéissez et sachez que vous méritez d’être libres », leur dit la jeune journaliste et écrivaine égyptienne, la première à dénoncer son agression avec d’autres femmes Place Tahrir, en plein Printemps arabe, violées par des policiers pour avoir manifesté aux côtés d’hommes pour la dignité et la liberté...
Issue d’un milieu aisé, ayant étudié à Londres, musulmane d’abord voilée par son propre choix, Mona Eltahawy a décidé d’enlever son voile après avoir découvert des féministes comme Nawal El Saadawi, Fatima Mernissi ou Huda Shaarawi, pionnière du mouvement des droits de la femme en Égypte pour avoir ôté son voile en public en 1923, ou Doria Shafik dans les années 1950, entrée de force dans le Parlement égyptien à la tête de 1 500 femmes avant d’entamer une grève de la faim pour la libération des femmes de son pays.
« Lorsque les Occidentaux se taisent au prétexte qu’il faut "respecter" les cultures étrangères, écrit-elle, ce sont uniquement les plus conservateurs de celles-ci qu’ils soutiennent. Le relativisme culturel est tout autant mon ennemi que l’oppression que je combats au sein de ma propre culture et de ma foi ». « Seuls nous-mêmes pouvons nous sauver de nos démons. Je n’ai jamais imploré quiconque de le faire à notre place. En revanche, j’adjure nos alliés occidentaux d’être plus attentifs aux droits des femmes et de refuser qu’un certain relativisme culturel ne finisse par justifier de monstrueuses violations de ces droits ».
Deux révolutions
Ces violations, en très forte progression avec la montée des intégrismes, s’exercent tant dans la rue, par le harcèlement impuni, qu’au foyer avec les violences conjugales, les mariages précoces, forcés, dont les mariages de femmes avec leurs violeurs (pour « l’honneur de la famille »...) ou les mutilations sexuelles (pratiquées sur 90 % des petites filles et femmes mariées d’Égypte, même si aujourd’hui cela se fait dans les hôpitaux !).
Si les femmes aisées peuvent échapper à la police des mœurs ou aux mariages précoces pour raisons financières, ce n’est pas le cas des plus pauvres, au Soudan ou en Éthiopie. Il faut donc, selon l’auteure, deux révolutions aux femmes : l’une sociale et l’autre sexuelle.
Pour cela, elle les appelle avec leurs alliés, à dénoncer leur sort, à parler de leur vie « comme si elle comptait vraiment. Car c’est le cas. » Mais aussi, comme le dit l’Algérienne Malika Mokeddem, à être nombreuses à faire « du droit à l’égalité, à la liberté, à l’amour, au choix de notre sexualité, notre seule religion », pour conclure : « Je suis le produit de ma culture et de ma foi. Je suis la fille des tabous et des silences contre lesquels je me suis battue. Je suis la sœur de toutes les femmes luttant contre les forces oppressives qui ont étouffé nos vies sexuelles et en ont fait des champs de mine, de toutes celles qui se battent résolument et obstinément contre les forces tyranniques qui ont étranglé nos sociétés. Je suis la meilleure amie des femmes qui défilent pour protester contre les despotes politiques et les despotes domestiques ».
Mónica Casanova