Éditions Sabine Wespieser, 2023, 152 pages, 18 euros.
Après 1886, L’affaire Jules Watrin, après Une belle grève de femmes, voici la chronique d’un troisième livre construit autour d’un mouvement gréviste. Il s’agit cette fois de la grève des ovalistes de Lyon qui ont cessé le travail pour leurs salaires, la durée de leur journée de travail, et de façon générale pour être mieux traitées par un patronat de choc et/ou paternaliste.
Des femmes
Le parti pris de l’autrice est de suivre quatre très jeunes femmes identifiées dans leur parcours vers une des zones les plus obscures du prolétariat lyonnais, resté dans l’ombre des canuts bien connus : elles sont maltraitées, souvent « logées » par leur employeur dans des conditions lamentables, très mal payées et surexploitées.
Une à une, Toia, Rosalie, Marie, Clémence entrent en scène, imaginées comme les protagonistes d’un relais athlétique, se passant le témoin d’une course qui les mène à la grève. Une à une, on les voit émerger de leurs origines, le Piémont, la Drôme, la Savoie — tout juste française — Lyon. Elles mettent toutes leurs forces, leur jeune énergie — à chacune ses raisons, mais des raisons de pauvres — à filer vers le travail en atelier, où elles seront attachées aux machines ovales destinées à usiner la soie.
La grève
À chacune ses raisons, mais des raisons de femmes, des raisons de travailleuses... alors la grève ! Ces jeunes femmes sont seules, mais elles sont seules… ensemble. Cela laisse de la place à la solidarité, à la coopération, à la prise de conscience. Qu’ont-elles à perdre ? Elles ont tout à gagner ! Par la grève elles revendiquent même si, pour exprimer leurs exigences, elles doivent avoir recours à l’écrivain public. Par la grève, elles apprennent, commençant par demander poliment de l’aide au préfet avant de jeter des pierres à leur patron. Par la grève, elles prennent la parole, se libèrent. Par la grève, elles s’émancipent et, mises à la rue — littéralement, puisque le patron les logeait ! — elles l’investissent et se frottent au monde qui leur était interdit, pour le meilleur et pour le pire.
L’autrice ne s’attarde pas sur la narration de la lutte, n’entre pas dans les détails de la rencontre avec la toute jeune internationale ouvrière, mais évoque cette histoire, ce moment de la grande Histoire ouvrière, du point de vue de ses quatre modestes héroïnes — dont elle donne à voir un portrait humble et attachant — qui retourneront à leur destinée anonyme, fortes tout de même d’une (demi)-victoire.