Publié le Vendredi 24 septembre 2021 à 18h00.

La Commune au présent, de Ludivine Bantigny

La Découverte, 397 pages, 22 euros.

Historienne des mouvements sociaux et des révolutions, Ludivine Bantigny rend ici hommage à la Commune de Paris, un des ces événements uniques qui « brisent la ronde des aiguilles, le battement des horloges et le temps mécanique ». Elle le fait sous une forme étonnante et originale : des lettres personnelles à des personnages de la Commune — Louise Michel, Jules Vallès, Leo Frankel, Eugene Pottier, Jean-­Baptiste Clément, Nathalie Le Mel et beaucoup d’autres.

« Je suis communeuse, moi »

Dans ces lettres, elle cite quelques documents qui témoignent de leur engagement. Par exemple Elisabeth Dmitrieff, la jeune révolutionnaire russe que Marx avait envoyée à Paris comme correspondante, et qui va devenir une des fondatrices de l’Union des Femmes ; Bantigny cite ce message qu’elle a envoyé le 17 mai 1871 au Comité du 11e de cette Union : « Rassemblez toutes les femmes et le comité lui-même immédiatement pour aller aux barricades ». Elle va se battre sur la place Blanche, jusqu’aux derniers combats. Évadée, elle sera condamnée par contumace à la déportation.

Mais Bantigny s’intéresse aussi aux oubliéEs de l’histoire. Comme par exemple Pélagie Daubain, qui n’a pas hésité à proclamer, devant le conseil de guerre de juin 1871 : « Je suis communeuse, moi ». Ou alors Léontine Suetens, combattante à la barricade de la rue de Bellechasse, condamnée à mort par les juges militaires (la peine sera commuée en travaux forcés et déportation à la Guyane). L’historienne note aussi d’humbles et émouvantes requêtes, comme celle d’une certaine Amélie Defontaine, qui demande à récupérer son matelas au mont-de-pieté.

Illustré par de nombreux documents retrouvés dans diverses archives, ce recueil de lettres se donne surtout pour objectif de mettre en évidence l’actualité de la Commune, en reliant la biographie des différents personnages avec les combats d’aujourd’hui, de Notre-Dame-des-Landes jusqu’au Chiapas. Des documents récents illustrent cette présence vivante : par exemple, cette photo d’une banderole de la manifestation pour les retraites de janvier 2020 (prise par l’autrice) : « Ni Macron ni personne ! Vive la Commune ! » Ou alors celle de Mickaël Correia, sur un mur de Marseille : « Après le Covid, la Commune ».

Dans la lettre à Louise Michel qui ouvre le recueil, Ludivine Bantigny lui écrit : « En évoquant le temps d’antan, c’est l’avenir que tu regardais ». C’est un bon résumé de l’esprit qui anime cet ouvrage.