Publié le Mercredi 14 septembre 2022 à 11h00.

La Fabrique des pandémies, de Marie-Monique Robin

Avec Juliette Binoche, et la contribution scientifique de Serge Morand (CNRS). Musique d’Emily Loizeau.
Sur France TV La 1ère, disponible jusqu’au 22 décembre 2023.

«Et vous n’avez pas envie de leur dire : mais merde, bougez votre cul ? » s’écrient en chœur, et en conclusion, l’équipe du film et les ­scientifiques qu’elle a réunis...

Dans huit pays, sur quatre continents

Le documentaire de Marie-Monique Robin est clair comme une leçon de choses et complexe comme un séminaire universitaire. Elle nous emmène sur le terrain, à la suite de scientifiques qui font autorité, pour y mener l’enquête. Nous la suivons ainsi tout autour de la planète, à la recherche des liens à établir entre la biodiversité et l’émergence des pandémies. Les pieds dans la boue, au milieu de la sombre forêt primaire, ou dans les savanes africaines, dans la mangrove d’Amérique centrale ou au cœur de la forêt secondaire en Asie, la démonstration se fait méthodique, implacable.

Une violente réaction de la nature

L’enjeu est de taille ! Il s’agit de documenter le fait que les pandémies, les zoonoses, dont le Covid n’est qu’un exemple, sont de plus en plus fréquentes, que cela s’aggrave et va continuer de s’aggraver. La cause en est la destruction de la biodiversité par l’activité humaine, via des processus industriels d’accumulation du profit — le capitalisme — ou via des pratiques de survie de populations pauvres maintenues dans le plus grand dénuement par... le capitalisme. À aucun moment le mot n’est prononcé, mais la description de la société responsable du désastre est bien celle-là : le capitalisme !

C’est nous le problème, pas les animaux

Le lien est ainsi établi entre les atteintes à la biodiversité et l’émergence des pandémies, via la disparition de prédateurs, la diminution de la diversité des espèces qui concentre et accélère les liens directs, sur un territoire donné, entre les espèces « réservoirs » (qui portent les pathogènes) et les espèces « compétentes » qui servent de vecteurs de transmission. Et l’on est stupéfait d’apprendre que l’émergence du Covid s’est produite dans l’une des deux zones à risques pointées par l’équipe pluridisciplinaire basée en Guyane, du chercheur Rodolphe Gozlan (IRD), en se basant sur les « facteurs récurrents de ces émergences » : la déforestation, des extrêmes climatiques, ou l’urbanisation. Le boom mondial des transports aériens (× 10 000 en 50 ans !) fait le reste.

Tout est connecté

Au-delà des constats, le film contient aussi des éléments de solution, un message d’espoir. Les recherches d’un nouveau laboratoire « One Health » qui permettra de coordonner le suivi médical des humains et des animaux dans la région des Masaï, ainsi qu’une initiative exemplaire du concept « Planetary Health » à Madagascar, visant à promouvoir simultanément la santé des humains, de la faune et des écosystèmes, tendent à prendre vraiment en compte l’interconnection des espèces, humains ou non-humains. De la même façon, l’expérience d’un village de Thaïlande, victime d’une déforestation de masse au profit de la monuculture de palmier à huile, qui retrouve des couleurs au bout de vingt ans d’interdiction d’arrachage et de culture sur brulis, montre que des décisions politiques courageuses sont ­nécessaires et qu’elles sont payantes !