Publié le Mercredi 18 mars 2020 à 15h26.

Les Raisins de la misère, d’Ixchel Delaporte

Éditions du Rouergue, 208 pages, 18 euros.Pour comprendre les raisons de la coïncidence entre la carte de la pauvreté et la carte des grands crus, la jeune journaliste Ixchel Delaporte a sillonné pendant 18 mois ce « couloir de la pauvreté », comme l’a défini une enquête de l’Insee, de 250 km de long sur 60 de large, de Pauillac à Saint-Émilion et au Sauternais.

Le glamour et les paillettes en prennent un coup

Dans une série de 21 chapitres de quelques pages, elle rend compte de ses découvertes, surtout grâce aux rencontres avec les travailleurEs de la vigne et du tourisme, précaires, saisonniers, français ou immigrés, pauvres majoritairement, souvent usés et malades en raison d’un travail dur et de conditions de vie difficiles. Des rencontres aussi avec des militantEs contre les pesticides, des syndicalistes CGT, des petits viticulteurs à la peine, des maires de petites communes sinistrées. De l’autre côté, celui des riches et des châteaux, de la carte postale, ses demandes d’entretiens n’ont pas eu beaucoup de succès ! Mais elle explique les profits éhontés, l’influence des lobbies du vin sur la vie politique et la vie tout court de la région. Le vin représente le deuxième plus gros marché en France après les armes ! Forcément, ça pèse... On en apprend de belles au fil des pages : comment un grand château comme Pichon à Pauillac a obtenu 800 millions de l’UE, pourquoi sur 20 mécènes de l’institut Bergonié, on retrouve 15 grands châteaux et négociants bordelais, ou bien le rôle de l’esclavage dans la fortune d’un pinardier comme le château Nairac, etc. Le glamour et les ­paillettes en prennent un coup ! Ce livre se lit comme un roman, avec beaucoup d’informations sans jamais être assommant car d’une écriture vivante pleine de sentiments de ceux et celles à qui Ixchel Delaporte donne la parole, dans la lignée des livres de Florence Aubenas par (bon !) exemple. Un premier livre qu’il faut encourager !