Scénario et dessins de Christian Lax, éditions Futuropolis, 148 pages, 23 euros.
En 1833, dans les Alpes du Sud, Fortuné Chabert, un instituteur itinérant, a trois plumes à son chapeau : lecture, écriture et calcul. Il fait partie de ces « colporteurs en écriture ».
En butte à l’hostilité de l’église catholique, il devra renoncer à son sacerdoce et ne retrouvera son « université des chèvres » que des années plus tard, chez les amérindiens Hopis de l’Arizona, aux États-Unis.
En 2018, Sanjar parcourt la montagne afghane avec son tableau sur le dos. Lui aussi pratique l’université des chèvres. Chassé par les talibans, il devra émigrer aux États-Unis pour y rencontrer un obscurantisme aussi dangereux.
Obscurantisme catholique, talibans et trumpisme unis contre l’éducation
Quel est le lien qui unit Fortuné et Sanjar, a priori aussi éloignés dans le temps que dans l’espace ? C’est une jeune femme, Arizona Florès. Descendante de Fortuné (cinquième génération) et de son union avec une Hopi. Arizona est journaliste au Phoenix Post et dénonce la violence à l’école avec ses tueries récurrentes qui endeuillent les familles américaines. Virulente dénonciatrice du lobby des armes à feu dans son pays, elle est mise à l’écart par son journal en raison des pressions de la NRA1 et envoyée en reportage en Afghanistan. C’est là qu’elle y rencontre Sanjar, « colporteur en écriture » dans les montagnes, comme l’arrière-arrière-grand-père de la jeune femme. Elle en tombe amoureuse. Plus tard, Sanjar, menacé par les Talibans, doit se résoudre à abandonner, comme Fortuné, sa mission émancipatrice et rejoindre Arizona aux États-Unis où il va se heurter à un nouvel obscurantisme.
Une réflexion sur l’éducation en aquarelles
Christian Lax 2 est un auteur d’une liberté rare. Avec L’université des chèvres, il rend hommage aux enseignants à travers les époques et les continents. Du colporteur en écriture dans les Alpes puis chez les Hopis mais toujours en butte aux ennemis du savoir ou à l’éducation « civilisée ». Le trait graphique dégage une grande émotion et une fierté pour ces « colporteurs » de culture. Le dessin marie avec beauté les aquarelles sépia des paysages en teintes jaunes, crème et blonde à la ligne claire des scènes et à toutes les variétés de gris, coutumières chez Lax. Un roman graphique très graphique à ne pas rater.