Publié le Jeudi 13 décembre 2012 à 11h50.

Maison de l’histoire de France : Une bataille gagnée

par Wladimir Susanj

 

Le personnel des Archives nationales, qui lutte maintenant depuis plus de deux ans contre le projet réactionnaire de Nicolas Sarkozy de créer et d’implanter une Maison de l’histoire de France (MHF) sur le site parisien des Archives, a remporté une bataille décisive.

Conformément aux engagements pris devant l’intersyndicale CGT-CFDT-CFTC Archives durant la campagne présidentielle, la ministre de la Culture, Aurélie Filippetti, a, au cours du comité technique ministériel du 10 juillet 2012, annoncé « un moratoire complet sur toutes les activités de la Maison de l’histoire de France » (MHF). Cette annonce va dans le sens de l’abandon définitif du projet sarkozyste et est interprétée comme tel par tous les acteurs et commentateurs.

Selon Sarkozy, la France souffrait d’une crise identitaire, les Français avaient perdu leurs « repères chronologiques ». Il fallait, d’après lui, corriger « les excès des lois mémorielles », mettre un terme « à la repentance », et revenir aux mythes fondateurs de « la France éternelle » et de « l’âme de la France ». Cette politique a un nom : l’identité nationale.

 

Ainsi, Sarkozy voulait son histoire officielle. Une histoire aussi nauséabonde que ces discours du Latran et de Riyad (sur la laïcité et la supériorité du curé sur l’instituteur), ou celui de Dakar et de « l’entrée tardive des Africains dans l’histoire ».

 

Une histoire à l’image de sa politique anti-immigrés, anti-Roms, et de manière générale anti-ouvrière. Pour l’imposer, Sarkozy avait besoin d’étouffer les Archives nationales et de mettre le coude sur les documents qui y sont conservés et qui constituent autant de témoignages de la forfaiture nationaliste.

 

Bien sûr, derrière l’idéologie et la politique se cachent également la révision générale des politiques publiques (RGPP), le démantèlement du réseau des Archives nationales et des Musées nationaux et, au-delà, les suppressions de postes, la précarité, les privatisations et la dégradation des conditions de travail.

 

 

La force de l’unité dans la lutte

 

L’unité syndicale (CGT-CFDT-CFTC) comme celle des personnels (du magasinier au conservateur du patrimoine) ont permis l’unité dans l’action. En cela, le travail inlassable de la CGT Archives (syndicat majoritaire) et en particulier des militants du NPA du comité Paris-Centre a été décisif.

 

Avec de nombreux historiens et universitaires de renommée internationale (dont notamment Arlette Farge, Roger Chartier et Nicolas Offenstadt), nous avons réussi à structurer la résistance à la MHF : nous avons, dès septembre 2010, organisé la grève des agents des Archives nationales ; nous avons organisé l’occupation durant 260 nuits de l’Hôtel de Soubise ; l’appel intersyndical en défense de l’institution a recueilli plus de 30 000 signatures de soutien ; nous avons tenu cinq meetings et six conférences de presse ; nous avons organisé la défense publique de nos trois camarades syndicalistes menacés de sanctions disciplinaires par Frédéric Mitterrand pour leur implication dans la mobilisation contre la MHF (c’est la première fois au ministère de la Culture que des syndicalistes étaient menacés de sanctions pour faits de militance).

 

Ce combat, par les enjeux démocratiques cruciaux qu’il soulève, a aussi rassemblé les principales formations politiques de gauche du pays, au premier rang desquels figure évidemment le NPA mais également le PS, EELV, PCF, PG et LO. 

 

La campagne électorale des présidentielles a été un moment important de la lutte. La présence à nos côtés des représentants de Philippe Poutou, mais aussi de François Hollande, Jean-Luc Mélenchon et Eva Joly, le 29 mars 2012 à la Bourse du Travail de Paris, s’inscrivait dans cette continuité. Pour l’anecdote, même le Modem de François Bayrou s’est déclaré contre le projet de MHF de Sarkozy !

 

 

Une victoire contre Sarkozy

 

Cette victoire contre la MHF est une victoire directe contre Sarkozy et sa politique réactionnaire et nocive. Elle est à mettre à l’actif des salariés des Archives nationales, de leurs organisations syndicales et bien sûr de toutes celles et ceux qui ont refusé ce qui était pourtant présenté comme un projet inéluctable car présidentiel. 

 

Pompidou a eu son centre, Mitterrand sa pyramide du Louvre, Chirac son musée du quai Branly. Sarkozy voulait lui aussi marquer son passage d’une empreinte qu’il croyait culturelle avec la Maison de l’histoire de France.

 

Finalement sa Maison de l’histoire de France finit comme lui : aux poubelles de l’Histoire.