La Découverte, 96 pages, 14 euros.
Le sous-titre de cet essai en dit l’ambition : « Comment faire émerger une classe écologique consciente et fière d’elle-même » ? La cible annoncée du texte, les « membres des partis écologiques et leurs électeurs présents et à venir », est également très explicite. Si l’on ajoute que Latour a soutenu la candidature de Piolle à la primaire des écologistes, et que le même, interviewé sur France Inter, a refusé de se prononcer sur la taxonomie verte européenne, qui amènerait à considérer le nucléaire comme utile à la phase de transition énergétique, l’on comprendra qu’il ne faut pas s’attendre ici à un manifeste écosocialiste. Encore que...
Des questions clés
Ce n’est sans doute pas à nous que Latour et Schultz ont pensé en écrivant leur livre. Par contre, au fil des pages, nous y trouvons bon nombre de questions clés qui se posent à un parti comme le nôtre dans la perspective de rompre avec le productivisme. « Donner la priorité au maintien des conditions d’habitabilité de la planète et non pas au développement de la production », passer du concept de développement à celui d’enveloppement, reconnaître l’importance des pratiques « d’engendrement » rendant les rapports de production possibles, faire advenir « la jonction, dans la même enceinte du monde, du monde où l’on vit et du monde dont on vit ». Autrement dit, comment faire entrer dans l’univers de nos luttes l’idée qu’il faudrait produire moins et autrement, et que cela permettrait la redéfinition de nos objectifs sociaux et politiques....
Une classe, vraiment ?
Au fil des pages, l’on s’impatiente d’en savoir plus sur ce que les auteurs entendent pas « la nouvelle classe écologique ». Et la réponse est intéressante, et mériterait d’être largement discutée, car il s’agit à la fois d’un modèle sociologique, basé sur la description du monde par les acteurs de ce monde ; d’un modèle mathématique, à savoir une classe qui regroupe des éléments ayant des caractéristiques communes – ici une certaine idée du monde écologique – donc descriptive, déclarative, idéaliste ; et de l’acception classique de ce que nous entendons par classe sociale. L’avantage de ce mix est qu’il permet d’engendrer une entité dans laquelle on retrouve ce que nos camarades qui écrivent l’écosocialisme, Löwy et Tanuro, présentent comme celles et ceux entre lesquelEs faire alliance : les prolétaires, les mouvements féministes, les mouvements post-coloniaux, les peuples dits autochtones, les jeunes, les intellectuelEs, les scientifiques.
La question du pouvoir
Là encore, les auteurs ne reculent pas devant la question, assument la nécessité de viser « la conquête de ce monopole à renouveler », questionnant la vision léniniste du dépérissement de l’État, puisant aux perspectives gramsciennes de l’hégémonie, intégrant également à la réflexion la place que pourraient prendre les acteurs des luttes qui « avaient l’air de se situer dans les marges (mais qui) sont toutes devenues centrales pour la survie de tous » (les zadistes se reconnaîtront).
Malheureusement, Latour et Schultz en restent à une perspective électorale, et ils allouent à ceux d’en bas la responsabilité de la « description du monde matériel » mais ils ne semblent invoquer leur intervention que pour leur confier la tâche de donner de solides bases à une forme de matérialisme délégataire.