Publié le Vendredi 3 mai 2019 à 10h41.

Menocchio

Film italien, roumain, d’Alberto Fasulo, 1h43, sorti le 17 avril 2019.

À l’heure où Macron semble vouloir inscrire ses pas dans ceux des rois de France « fils ainés de l’Église », Menocchio vient à point pour rappeler ce qu’était l’emprise obscurantiste de la hiérarchie catho­lique. Il s’inspire de l’histoire de Domenico Scandella (Menocchio est son surnom), né en 1532 à Montereale, village situé dans les montagnes du Frioul (nord-est de l’Italie) et brûlé comme hérétique en 1601. 

Un meunier devant l’Inquisition

Menocchio, meunier, s’est forgé une conception de l’univers et de la religion à partir de ses propres réflexions. À l’origine du monde il y avait un chaos, Dieu existe et il est dans toute chose mais ne se préoccupe pas des affaires du monde, l’immaculée conception de la Vierge est une impossibilité, le Christ n’est pas de nature divine, les juifs et les musulmans ne sont pas forcément damnés, l’Église vit dans la richesse…. De tout cela, Menocchio se contente de discuter avec les gens de son village et le curé. Il ne prétend fonder aucune nouvelle Église.

Mais, à la fin du 16e siècle, l’Église catholique romaine n’est pas disposée à tolérer le moindre écart. En 1583, Menocchio est arrêté ; il est trainé devant l’Inquisition, sommé de dénoncer ses disciples et surtout celui qui l’a inspiré (pour les juges ecclésiastiques, il est naturellement impossible qu’un meunier ait par lui-même la moindre pensée originale), et torturé. Sa famille est ruinée et subit des pressions. Pour échapper au bûcher, il finit par se rétracter. Le film s’arrête là. La suite de sa vie n’est indiquée que par un bref texte. Condamné à la prison à vie, il est libéré pour raisons de santé et retourne dans son village, mais l’Inquisition veille : Menocchio est à nouveau arrêté, torturé ; il refuse de dénoncer qui que ce soit et est condamné au bûcher.

Alberto Fasulo a fait appel à des non-professionnels pour jouer les différents personnages et a tourné sur les lieux mêmes de l’histoire. Dommage qu’il ait trop cédé à l’esthétisme. De trop longues séquences muettes avec d’énormes gros plans consomment un temps qui aurait été mieux consacré à cerner ce personnage qui, dans ses montagnes au 16e siècle, osait dire qu’il était plus important d’aimer son prochain que Dieu. 

Henri Wilno