Film chilien, 1 h 23 min, sorti le 26 octobre 2022.
Mon pays imaginaire est un film riche en émotions, un film époustouflant. Le sujet y est pour beaucoup et le réalisateur y apporte son savoir-faire et son humanisme. Patricio Guzmán, 80 ans aujourd’hui, est bien expérimenté puisqu’il a réalisé ses premiers films au début des années 1970 pour raconter l’espoir lors de l’arrivée au pouvoir d’Allende jusqu’au drame du coup d’État de Pinochet. Il fera ensuite d’autres films documentaires, jusqu’à Mon pays imaginaire, qui raconte le formidable soulèvement populaire d’octobre 2019. Mobilisation qui va remettre en cause la Constitution héritée de la dictature Pinochet, ce qui va aboutir à l’élection d’une assemblée constituante et se terminer par l’élection d’un candidat de gauche face à un candidat d’extrême droite, nostalgique du dictateur Pinochet.
Enthousiasme, force, imagination et courage
Le film s’ouvre sur des images formidables de manifestations énormes à Santiago, avec des centaines de milliers de personnes occupant la place principale et les rues, dans l’euphorie et la colère. On remarque surtout une jeunesse très présente, très dynamique, mais aussi des moins jeunes… Un enthousiasme, une force, une énergie, de l’imagination, du courage, beaucoup de courage car en face il y a la police, il y a aussi l’armée, qui frappe et qui tire, qui avance avec ses engins anti-émeutes, une répression qui blesse et mutile.
Et puis, il y a les nombreux témoignages, uniquement des femmes, des manifestantes, des actrices de la mobilisation, toutes révoltées par la société chilienne si peu libre, si inégalitaire, où une bonne partie de la population est pauvre, très pauvre. Toutes racontent pourquoi elles sont dans la lutte, pourquoi elles ne supportent plus ce régime et la vie qu’elles mènent, l’absence de démocratie, de droits, d’espoir.
Des paroles fortes
La révolte de 2019 est un véritable embrasement, une libération, une « effervescence » comme le dit très bien une des femmes dans son témoignage. Toutes ces paroles sont fortes, elles traduisent le sentiment d’un peuple écrasé qui relève la tête. Une lutte marquée par la présence des femmes, une lutte très féministe, contre l’insécurité de la précarité et contre les violences d’une société patriarcale, contre les viols, pour l’égalité des droits pour toutes et tous.
Il y a un passage puissant avec la chanson créée par le collectif Las Tesis, Un violador en tu camino (« Un violeur sur ton chemin »), chantée et dansée par des milliers de femmes lors d’une manifestation, une chanson qui a d’ailleurs été reprise dans d’autres luttes et dans d’autres pays.
Le film s’arrête à l’élection de Boric en décembre 2021 et les manifestations de rue les jours qui suivent. L’espoir est là, très fort. Aujourd’hui, cela semble moins évident. Le combat n’est pas terminé et comme le dit une témoin, ça ne reviendra pas en arrière, certaine que l’oppression tombera pour de bon.
Mon pays imaginaire est un film qui donne la pêche, le réalisateur faisant très bien passer son enthousiasme et ses espoirs.