Publié le Mercredi 29 juin 2022 à 14h59.

Ni Dieu ni maître, une histoire de l’anarchisme de Tancrède Ramonet

Deux épisodes diffusés en octobre prochain sur LCP.

Presque cinq ans après la diffusion des parties 1 et 2 du documentaire de Tancrède Ramonet, Ni Dieu ni maître, une histoire de l’anarchisme, le réalisateur militant revient avec deux nouveaux épisodes attendus. Une tournée d’avant-premières a eu lieu dans plusieurs endroits, militants ou non, pour préparer la sortie officielle courant octobre.

L’histoire d’un courant du mouvement ouvrier

Les deux premières parties du documentaire, La volupté de la destruction et La mémoire des vaincus, retraçaient l’histoire du mouvement anarchiste depuis 1840 jusqu’à 1945, et avaient rencontré un grand succès au sein des milieux militants libertaires mais pas que. Et pour cause : les deux films brillaient par une réalisation léchée et une histoire d’un courant important du mouvement ouvrier très souvent méconnue. Sous forme d’archives et d’entretiens, le documentaire revient sur une histoire exhaustive de l’anarchisme depuis les associations fraternelles des travailleurs jusqu’à la pédagogie libertaire en passant par la révolution de 1917 et celle de 1936. La force du documentaire puise dans cette tentative de dresser un portrait internationaliste de ce mouvement et y parvient par de nombreux aspects.

La grande force du documentaire a également été sa visibilité, bénéficiant d’une large diffusion par Arte et par des homologues partout dans le monde, faisant du film une référence pour toute une nouvelle génération militante l’ayant découvert et s’étant retrouvée dans certains concepts du mouvement anarchiste.

Si, certes, il y a bien des critiques qui peuvent être formulées, sur le documentaire comme sur le mouvement anarchiste, Ni Dieu ni maître, une histoire de l’anarchisme reste un documentaire intéressant et précieux pour découvrir et comprendre la pensée libertaire.

De la révolution à la provocation

Cinq ans plus tard, Tancrède Ramonet revient avec non pas un mais deux nouveaux épisodes qui auront dû faire le parcours du combattant pour sortir. Et pour cause, malgré le succès des deux premiers épisodes, Arte a refusé de produire le troisième opus, plus contemporain et donc trop politique pour la chaîne, touchant trop à l’actualité des violences policières notamment. Pour aboutir, la société de production Temps Noir a donc eu recours au financement participatif qui a rencontré également un succès permettant de réaliser la suite, sous forme non pas d’un épisode mais deux, plus adéquats pour dresser une histoire plus complète.

Ces deux nouveaux épisodes, Des Fleurs et des pavés et Les Réseaux de la colère, qui seront diffusés mi-octobre sur LCP en France, reviennent sur l’histoire du mouvement anarchiste de 1945 à 2011. L’après-guerre marque pour le mouvement anarchiste un tournant significatif puisqu’elle signifie, pour une partie des anarchistes, l’abandon de la lutte des classes et de la révolution sociale au profit d’une révolution culturelle, d’abord dans le mouvement pacifiste puis dans l’action violente, à l’image des anarchistes individualistes du début du 20e siècle. Le documentaire fait le choix de se concentrer sur le courant le plus spectaculaire du mouvement anarchiste mais pas le plus cohérent en revenant sur les provos aux Pays-Bas ou les Angry Brigade en Grande-Bretagne mais pas sur le travail syndical, donnant dès lors l’impression que le mouvement libertaire a rompu avec le prolétariat au profit du spectaculaire. Il est dommage que le documentaire donne plus de place à cette histoire spectaculaire mais peu efficace plutôt qu’à une histoire certes moins sexy mais ayant fait plus de preuves dans le mouvement ouvrier.

Certes, ces deux nouveaux épisodes sont critiquables sur de nombreux aspects, orientation en faveur des anarchistes autonomes et analyses parfois bancales, notamment sur le mouvement zapatiste, qualifiant d’anarchistes des mouvements ne s’en étant jamais réclamé. Mais ils restent deux films très intéressants à voir et à analyser pour se nourrir de l’expérience et de réflexions d’autrui.