Publié le Mercredi 20 avril 2022 à 14h02.

Nom, de Constance Debré

Flammarion, 176 pages. 19 euro

Le 11 avril 2022. Un goût étrange dans la bouche, coincé entre la rage et l’amertume... S’en débarrasser... Vite, un livre ! Nom, de Constance Debré, rencontré un peu par hasard, s’est imposé ! C’était le bon choix.

« Cette saloperie de bourgeoisie »

Une écriture tendue à l’extrême, une pensée acérée et radicale, les pages qu’il me fallait pour tout vider, à commencer par les lieux, qui puent décidément trop la fin de siècle ! Difficile d’évoquer cet ouvrage sans citer le programme politique de l’auteure, mais qu’il me soit permis de résister à cette tentation.

L’auteure célèbre une sorte d’idéal solitaire, ou plutôt assume la nécessité impérieuse de passer au dénuement, à la solitude, en tant qu’hygiène de vie, jusqu’à fréquenter la mort. Elle ne dénonce rien, n’énonce pas une doctrine, mais nous fait part de son choix : n’être tenue par aucun lien, ne plus rien recevoir – ni transmettre – quand bien même elle ne serait pas dupe. Lucide, elle concède d’ailleurs : « je les déteste ces manières qui me disent que je peux toujours m’agiter, mais que cette saloperie de bourgeoisie, c’est du ferme, ferme, ferme. »

« Sans propriété sans famille sans enfance »

Constance a bien compris qu’elle n’échappera pas – au fond – à ce milieu, peuplé de ministres, d’aristocrates et de bourgeois. Elle ne revendique rien mais applique, pour elle, son programme de rupture et tend vers la liberté, au travers d’une poétique de la vie a-sociale, d’une marge étroite et pure, rompant avec l’attachement, spatial ou temporel. Constance dépouille son existence, au point de prendre simplement acte de ce « [qu’il] y a des choses qui me dégoûtent et des choses qui ne me dégoûtent pas. » et décide : « Je fais ce qui ne me dégoûte pas. »

Constance vit « sans propriété sans famille sans enfance ». Surtout sans enfance. Elle déteste l’enfance, « pas pour mon enfance. Pour l’enfance », et ne comprend pas que l’on célèbre le « seul âge de la vie où l’on ne choisit rien ». Presque cruelle, elle nous jette à la face que « Papa maman est un cri d’esclave » ! Alors, il faut se barrer, « aller de plus en plus loin », être de plus en plus seul pour « se préparer à être beaucoup plus fort, pour survivre à tout. »

Cette Constance là est alors disposée à accueillir la mort — celle de son père — et à rencontrer Camille, même si « [l]e mot amour, bien sûr, n’est jamais prononcé. »