Entretien. Samaël Steiner vient de publier un nouveau recueil de poésie avec des estampes deJudith Bordas. Il a répondu à nos questions.
Comment situes-tu Seul le bleu reste dans ton travail poétique ? Y-a-t-il une continuité ou est-ce une étape ?
Les deux, je pense. Ce sont des textes écrits entre 2009 et aujourd’hui. Durant cette période, j’ai travaillé au théâtre avec deux hommes qui profondément ont nourri mon regard sur le monde et, de fait, mon écriture, André Benedetto et Matthias Langhoff. Dans cette même période, un peu plus tard, on m’a fait découvrir les films de Lionel Soukaz. Ce livre et le précédent (Vie imaginaire de Maria Molina de Fuente Vaqueros, éditions de l’Aigrette) sont immensément empreints de ces trois rencontres. Les autres faits qui marquent cette période sont politiques. Parmi d’autres, il y a l’assassinat de Chokri Belaïd et dès lors, la recherche d’une écriture qui dise l’effroi, la colère et pourtant la lutte qui continue.
Tu souhaitais faire ce recueil avec Judith Bordas. Ses œuvres sont-elles une illustration de ta pensée ou bien est-ce une œuvre commune ?
C’est une œuvre en commun. Judith est par ailleurs également auteure et nous avons plusieurs fois échangé sur l’écriture, en tant que matériau, en tant que traduction possible de ce qui nous entoure. Il y avait une sensibilité commune. Très vite l’envie de faire quelque chose ensemble s’est manifestée. Et j’ai eu cette généreuse proposition de Patrice Maltaverne (le Citron Gare éditions). J’en ai parlé à Judith et nous sommes partis ensemble. Nous avons tout fait pour que les estampes ne soient pas des illustrations, mais viennent côtoyer l’écriture, parfois en écho, parfois de façon plus solitaire, comme un corps étranger.
Tu travailles dans le monde du spectacle. Un mot sur le lien entre ton statut professionnel et ton statut d’artiste ?
Effectivement, je suis aussi éclairagiste, et il m’arrive de faire de la scénographie et de la vidéo. Je le précise parce que ces trois tâches appartiennent au théâtre à la manière dont on va voir et comprendre ce qui se joue. Éclairer, c’est avant tout éclairer des corps, dans un espace. Travailler à partir de leur beauté, de leur puissance... Et ce qui me plaît dans ce métier, c’est que tout cela se fait de manière extrêmement humble. On est à la fois dans l’observation, l’imagination, et dans le branchement des projecteurs, le réglage des faisceaux, le poids de chaque chose. L’imagination et la matière sont en aller-retour permanent.
L’écriture travaille, pour moi, au même endroit. J’écris ce que je vois. Et parce que j’écris vite, parfois j’écris ce que j’ai cru voir, ce que j’imagine avoir vu. Le travail d’éclairagiste me forge un regard de plus en plus précis sur le monde. En quelque sorte, il m’astreint à être matérialiste. L’écriture en profite.
Propos recueillis par Catherine Segala
Pour se procurer l’ouvrage, envoyer un chèque de 10 euros à : Association Le Citron Gare, 12 rue de l’Abbaye, 57000 Metz.