Publié le Mercredi 25 octobre 2023 à 10h00.

Récit : Et l’amour aussi, Marie Docher

La Déferlante éditions, 26 octobre 2023, 25 euros.

 

Et l’amour aussi regroupe les portraits de 51 femmes et 3 hommes — un trans, 2 cis —accompagnés de leurs témoignages. Ils sont l’œuvre de Marie Docher, photographe, réalisatrice et chevaleresse des Arts et des Lettres. Chacune de ces histoires est le fragment d’une mosaïque complexe qui offre un aperçu de ce que peut vouloir dire « être lesbienne » en 2023.

« Parfois, on a envie de facilité »

Parmi ces femmes, certaines ont fait le choix de se marier, d’avoir des enfants, d’autres sont célibataires. Une autre encore, à 17 ans, n’a même jamais été amoureuse et trouve qu’elle ferait bien d’abord de s’aimer elle-même avant de penser à deux. Certaines se disent lesbiennes depuis toujours ; d’autres essayent encore de s’approprier ce mot. Quelques-unes sont bi ; la plupart ont connu des hommes ; beaucoup en ont même épousé, avant. Certaines s’affichent comme militantes quand d’autres revendiquent leur droit à vivre sans vagues. Après tout, comme le résume Juliette : « on n’est pas toutes faites pour ça, pour se battre contre le monde entier. Parfois, on a aussi envie de facilité ». C’est toute la richesse de ce recueil : loin des clichés véhiculés par un monde hétéro­normé, chacune vit sa sexualité selon son histoire, sans codes ou schémas imposés. Sans modèles auxquels se conformer, chacune vit son intimité et sa féminité, à sa façon.

Le droit à la différence 

Le manque de modèle revient de façon récurrente au fil des pages. Comment se construire et s’accepter lorsque l’on n’a personne à qui s’identifier ? Dans ces portraits, nombreuses sont les femmes qui, ayant grandi dans des milieux très ruraux ou catholiques, n’avaient jamais entendu le mot « homo » avant l’âge adulte. Pour celles qui ont grandi dans des environnements plus ouverts, s’assumer en tant que lesbienne n’était pas pour autant facile. On réalise à travers ces pages qu’être lesbienne, même en 2023, nécessite non seulement de se battre pour se faire accepter, mais parfois pour s’accepter soi-même.

La lutte, donc

Comment ces femmes ont vécu les débats et les manifs du mariage pour toutes et tous ? Quand la France s’autorisait du jour au lendemain à clamer son homophobie à grand renforts de banderoles jusque sur les chaînes télé, comment chacune s’est saisie de la question, quelles marques cet épisode a-t-il laissé dix ans plus tard ? Les réponses sont aussi nombreuses que les témoignages, de celles qui se sont battues de toutes leurs forces à celles qui ont soutenu par principe, sans même être vraiment pour. Cathy, par exemple, regrette le sens dans lequel vont les choses : « J’ai l’impression que le “droit à l’indifférence” remplace le “droit à la différence” et ça m’attriste. À force de rentrer dans le moule, on devient tarte. »

On ne saurait mieux dire... Mais militons quand même pour le droit de chacune à devenir tarte, aussi !