Publié le Mercredi 22 juin 2022 à 11h59.

Reprendre la terre aux machines : manifeste pour une autonomie paysanne et alimentaire

Collectif l’Atelier Paysan, éditions du Seuil, 288 pages, 20 euros.

«LAtelier Paysan » est, comme son nom l’indique, un collectif militant paysan qui explique dans ce livre son combat contre l’agriculture productiviste et capitaliste, en affirmant des perspectives politiques en rupture totale avec le système actuel, en décrivant aussi des expériences concrètes et des idées pour construire un autre monde agricole.

Un constat sévère et très clair

D’abord, il nous est raconté une brève histoire de l’évolution de l’agriculture et de la paysannerie, surtout depuis le milieu du 20e siècle, la sortie de la Seconde Guerre mondiale. La mécanisation, avec l’arrivée du tracteur et autres machines de plus en plus perfectionnées, favorisant l’intensification, avec l’agrandissement des parcelles, la transformation des fermes en grandes entreprises, l’arrivée de l’agrochimie, la disparition de la paysannerie (aujourd’hui à moins de 400 000 paysanEs) avec la transformation d’un statut social en métier, enfin l’arrivée du numérique, finissant d’abîmer une activité fondamentale pour l’humanité, à savoir celle de produire notre alimentation.

Le constat est sévère et très clair. Rien ne va plus. Humainement et socialement, avec la destruction de la petite paysannerie, avec les dégâts environnementaux (terres et bestiaux), la mal-bouffe… Cette agriculture capitaliste a justifié l’utilisation du chimique, des machines pour apporter le progrès qui était présenté comme la condition pour nourrir toute l’humanité. C’est l’inverse qui s’est produit au total. Les famines, les malnutritions, les pollutions des sols, les terres appauvries, les maladies liées à l’utilisation du chimique pour les producteurEs comme pour les consommateurEs, les pertes de savoir-faire paysans liées à la mécanisation comme à l’intensification… voilà le bilan.

La question posée est le renversement de l’ensemble du système

Alors il y a bien un développement du bio et de l’agriculture raisonnée ou encore du maraichage et des fermes urbaines autour des villes, lesquelles sont le résultat de résistances sociales et politiques. Mais cela reste limité et restera de toute façon, limité en quantité mais aussi limité aux parties de la population les moins mal loties. Dans le contexte de dérèglement climatique et de catastrophes environnementales actuelles, il y a bien une prise de conscience et une mobilisation faite d’expériences multiples dans les campagnes ou dans les villes.

Sauf que pour répondre réellement aux enjeux, la question posée est bien le renversement de l’ensemble du système, c’est la confrontation avec cette agriculture capitaliste, avec le pouvoir de l’agro-industrie, l’agro-chimie, avec les grandes exploitations, avec la FNSEA et autres défenseurs du système. L’atelier paysan détaille son plan de lutte, comme une sorte de retour vers le raisonnable, vers une agriculture paysanne qui passe par le re-développement de la petite paysannerie et de son savoir-faire, au moins un million de paysanEs en plus.

Et puis c’est la réorganisation de toute la « filière » de la production et de la distribution de l’alimentation, qui passe par le respect de l’environnement, des terres, des animaux d’élevage, des productrices et producteurs, des consommateurs. Leur réponse, et on la partage, c’est la remise en cause de la propriété privée, c’est la socialisation, c’est la coopération entre paysanEs et aussi entre paysanEs et citadinEs, c’est encore un service public de l’alimentation qui garantit à toute la population de se nourrir correctement. Et quand on dit toute la population, on pense aussi aux populations des pays « pauvres », la plupart anciennement colonisés et pillés, victimes aujourd’hui à la fois de l’exploitation des puissances impérialistes comme de la crise climatique.

C’est un livre au constat très clair et au projet stimulant, un livre qui favorise la réflexion et la discussion.