Série TV en 6 épisodes, disponible en replay sur France TV jusqu’au 20 mai 2024.
Construite à partir de faits réels qui se sont déroulés sur une période de trois décennies, de 1988 à 2018, la série Sambre propose une plongée vertigineuse dans l’univers du viol, via l’histoire d’un serial violeur, de ses victimes, de leur environnement institutionnel et social. Bouleversant.
Portraits de femmes !
Les victimes d’abord. Leur parole compte, leur parole est forte, leur parole est au centre de la narration. Pas d’échappatoire, lors des auditions, c’est un plan fixe sur la femme qui parle, du début à la fin. L’enquêteur, que l’on entend, ne paraît pas. La souffrance de ces femmes est profonde, livrée avec une grande sobriété, y compris de nombreuses années après leur agression. Elles sont brisées mais leur force et leur dignité imposent le respect. Leur parole nous glace, nous révolte, nous emporte.
La réparation vient des femmes, aussi. Une jeune juge, une scientifique, une maire communiste, une policière, apportent, chacune à sa façon, parfois avec maladresse mais toujours avec conviction, la force de leur solidarité, leur engagement, malgré tout... Malgré tout, car tout est fait pour les museler, pour les tenir à distance d’un combat qu’aucune de leurs institutions n’attend d’elles. Et même si, au bout du compte, elles doivent renoncer, elles apportent leur pierre à l’édifice.
Un homme ordinaire
L’erreur de la psychologue, qui voit en cet homme un être marginal et associal, traduit bien le mythe du violeur-monstre que nos sociétés se construisent pour se protéger. C’est peut-être la « révélation » qui fait le plus mal, tant aux « gens » — les habitantEs ordinaires de cette contrée blessée par la crise mais tout de même très « normale » — qu’aux éminentEs — ou pas — représentantEs des institutions de notre république patriarcale : les flics, les juges, les éluEs, les expertEs ne peuvent concevoir que le coupable puisse habiter leur quartier, leur rue même, qu’il puisse être, comme il se présente lui-même, un bon père, un bon mari, un bon collègue, un bon copain.
Une structure polyphonique
Le choix de centrer chaque épisode sur un personnage et une période définie de cette histoire permet de mettre en harmonie, à chaque étape, l’âge des protagonistes, une ambiance, une couleur spécifiques à chacune des époques concernées. Il est alors possible de changer de point de vue, de déplacer le regard sur l’affaire et d’accompagner chacunE des personnages qui travaillent à la résolution de l’enquête. Cette partition, finement élaborée par un trio d’auteurEs percutant mais sensible, est admirablement servie par une distribution très convaincante.