Série lettone, 2024. Disponible sur arte.tv jusqu’au 3 avril 2026.
Lettonie, fin des années 1970. Le pays fait partie du « bloc de l’Est », à son corps défendant. C’est le cadre choisi par les auteurs pour dérouler une gentille mais féroce satire visant le régime en place à Riga et l’omniprésente mainmise du Kremlin via le KGB.
Glacis, rêves de liberté, de jeans et de Marlboro
Le mobilier, les vêtements, sont plus proches de ce qui se trouve en Suède que des standards soviétiques. Les automobiles, très présentes à l’image, véhiculent les clichés incarnant le glacis de l’Est, comme en écho à la tenue vestimentaire des personnages, en particulier les incroyables pulls à losanges de Tina, metteuse en scène finlandaise présente à Riga pour y monter Hamlet.
Elle découvre les rêves un peu minables des habitantEs éprisEs de liberté… de fumer des Marlboro et de porter des jeans denim. Tina rencontre aussi Renars, un costumier du théâtre. Leur histoire d’amour très sympa, au romantisme joyeux, bouleverse leur vie. Elle aime la liberté et les idées ; elle rappelle les personnages russes, fantasques et mélancoliques, amoureux de la poésie dans Le chapiteau vert de Ludmila Oulitskaïa. Il est beau parleur, s’oppose et résiste de fait à l’uniformité, par une attitude de petit trafiquant, superficiel mais charismatique. Il entretient son petit commerce en marge d’un système qui le tient, fait de lui un indic — mais il ne donne jamais de véritable info.
Pouvoir, biopouvoir et mesquines ambitions
Cette galerie épatante de personnages hauts en couleur, que ne renieraient ni le romancier Paasilinna ni le cinéaste Kaurismäki — tous deux finlandais, connus pour leur verve, leur ironie mordante et leur cruauté — rend attachante cette énième évocation du pouvoir soviétique. La soif de pouvoir des petits bureaucrates et l’usage qu’ils font de leur position font froid dans le dos, à l’image de Maris, l’ambitieux galvanisé par sa jalousie.
Enfin, le personnage principal est sans nul doute l’hôpital psychiatrique, lieu emblématique de la répression dans les pays du « socialisme réel », mais aussi cadre classique des situations burlesques. Comme le dit le très subtil chef de service : « Fais attention, il y en a qui sont vraiment malades », confirmant le doute qui plane : qui sont les victimes de la répression ? Qui sont les malchanceux arrivés là un peu par hasard ? Qui sont les vrais malades ? Au passage, une satire virulente de la psychiatrie — dont le bloc de l’Est n’a pas, dans les années 1970, le monopole !
Une série efficace, agréable et instructive !
Vincent Gibelin et Fabienne Dolet