Publié le Vendredi 29 septembre 2017 à 18h52.

Star Trek : Discovery et la fin de l’utopie?

 

Le retour de Star Trek sous forme de série était l’événement de cette rentrée, on peut dire qu’elle a marquée puisque produite par CBS (Paramount Pictures), mais aux Etats-Unis elle est uniquement diffusée sur son service de streaming CBS Access (afin de booster celui-ci), distribuée par Netflix à l’international (notamment en France), elle est aussi la série la plus piratée du moment. Ce dernier volet de la franchise est aussi encensé par la critique comme un retour aux sources…vraiment ?

Pour celles et ceux qui ne connaissent rien à la franchise, rappelons quelques éléments de base. Star Trek est avant tout une série créée en 1966 par Gene Roddenberry sur NBC, elle raconte les aventures de l’équipage de l’Enterprise, un des vaisseaux de la Starfleet, en charge de l’exploration de l’univers pour la fédération des planètes unies. On pourrait croire d’un premier abord à une série de science-fiction comme une autre, ce n’est pas le cas. L’originalité de Star Trek repose essentiellement sur le fait de proposer un futur optimiste, une utopie au lieu d’une dystopie. La rencontre entre les humains et les vulcains en 2063 permettent de construire un monde où plusieurs races extraterrestres cohabitent ensemble, et où la faim, la pauvreté, le racisme n’existe plus. La série met aussi en scène Nyota Uhura (Nichelle Nichols), une femme noire dans un rôle central à une époque où c’était loin d’être simple. La série originale est loin d’être exempte de défaut et était soumise aux règles des networks américains de l’époque cependant, elle reste une des rares séries à avoir proposer un monde futuriste aussi progressiste et un propos géopolitique aussi intéressant.

Les différents volets de la franchise qui suivront ne seront eux jamais aussi progressistes mais continueront de proposer des débats philosophiques et moraux intéressants. Les films de J.J. Abrahams (la dernière trilogie produite au cinéma) avaient déjà perdus ce qui faisait de Star Trek, un univers à part.

 

Essentialisme et impérialisme

La série Star Trek : Discovery voit le jour 13 ans après l’arrêt de Star Trek : Enterprise à la télévision. La série se place 10 ans avant la série originale. Il faut d’abord en convenir, la réalisation est soignée, avec un budget de 8 millions de dollar par épisode, c’est visuellement bien fait. Le rythme des deux premiers épisodes est maîtrisé et l’on ne s’ennuie pas. Si ce n’était pas Star Trek, on pourrait convenir que c’est une bonne série de SF. Oui mais le hic justement c’est que c’est bien de Star Trek dont on parle… Et on ne peut être qu’effrayé par les ressorts idéologiques des deux premiers épisodes.

Bien sûr, ils font noter que l’on peut voir dans ses épisodes deux femmes fortes et racisées : Michelle Yeoh dans le rôle du Capitaine Georgiou et Sonequa Martin-Green dans le rôle du Lieutenant Commandeur Michael Burnham dit « Number One ». Sauf qu’il ne suffit pas de mettre des femmes en tête, surtout si c’est pour défendre une idéologie guerrière. Le capitaine Georgiou défend bien la vision originale de Gene Roddenberry du « Starfleet don’t shoot first » / « Starfleet ne tire pas en premier ». Sauf que tout l’épisode tend à montrer qu’elle a relativement tort puisque les Kligons ne sont pas un peuple comme un autre. Dans ce cas seulement, il faut bien tirer en premier pour sauver tout le monde, on a donc là une vision simpliste des politiques impérialistes, notamment la justification de la guerre contre le terrorisme, qui se fait bien à base d’interventions militaires préventives.

La Starfleet reste dubitative du discours de Michael alors que l'Amiral Anderson lui pose la question de la justification de ses suppositions, puisqu’elle a très peu rencontré de Kligons, elle explique que c’est dans l’essence de leur peuple. On a là le bon vieux débat « Nature contre Culture », nous montrant que c’est la nature qui l’emporte à chaque fois. Michael laisse ses émotions l’emporter alors qu’elle a été élevée par des Vulcains, de la même façon le Lieutenant Saru explique qu’il n’a pas de choix : sa race est faite pour être une proie. C’est donc une vision clairement essentialiste qui se fait entendre dans le début de ce nouveau volet.

Alors que la science-fiction a toujours été un genre où l’on pouvait trouver du subversif, Discovery a réussi à chasser tout élément progressiste de Star Trek, faisant d’elle une banale série d’action guerrière.

Mimosa Effe