La représentation au Théâtre de la Ville du spectacle de Roméo Castellucci, Concept du visage de Dieu, a été l’occasion pour les cathos intégristes et autres, en marge du Front national, de se faire entendre.
Jules Renard, auteur de La bigote, le disait, il faut « de la vie dans le théâtre et du théâtre dans la vie ». L’agitation orchestrée par les intégristes catholiques au Théâtre de la Ville donne une nouvelle interprétation de cette expression. Interruption de représentation, occupation de la scène, jets d’œufs et d’huile de moteur sur le public, les extrémistes catholiques ont montré leur vraie nature, celle de censeur.
Tout part d’une plainte déposée par l’Alliance générale contre le racisme et pour le respect de l’identité française et chrétienne (Agrif), contre la dernière pièce de théâtre de Roméo Castellucci, dramaturge italien habitué des thèmes dérangeants. La plainte n’ayant aucune chance d’aboutir, ce ne sera qu’un prétexte pour le lancement d’une campagne d’action contre le spectacle et son théâtre hôte. Jeudi 20 octobre, des militants de l’Action française (royalistes) de concert avec ceux du Renouveau français et du MJCF (catholiques-nationalistes) se rendent devant la salle ; certains s’enchaînent aux portes du théâtre pendant que d’autres occupent la scène. Les quatre soirs suivants sont tout aussi violents, les militants nationalistes allant jusqu’à s’en prendre aux spectateurs. Alain Escada, dirigeant de l’institut Civitas (mouvement politique de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X) légitime les violences au JT de France 3, et le mardi suivant, ils sont plusieurs centaines réunis en prière devant la salle de théâtre, ils jurent tenir jusqu’au dimanche, dernière représentation du Concept du visage du fils de Dieu.
L’indignation des associations catholiques est un coup politique bien calculé. Civitas appelant à une manifestation nationale contre la « christianophobie » le 29 octobre – annoncée depuis deux mois - l’occasion était inespérée, de faire de la pièce de Castellucci une œuvre blasphématoire, sert leur propagande. Le pari est réussi, samedi soir plus de 2 000 catholiques défilaient au départ de la place des Pyramides. Dans les cortèges aux couleurs de la France et du Sacré-Cœur (bannières des intégristes), on pouvait retrouver plusieurs mouvements d’extrême droite : le Parti de la France, le GUD, Troisième Voie, la Nouvelle Droite populaire, le Renouveau français et l’Action française.
Cette manifestation qui devait être un ras-le-bol des catholiques traditionalistes s’est ainsi transformée en véritable manifestation des organisations en marge du Front national. Les nationaux-catholiques affiliés pendant de nombreuses années au principal parti d’extrême droite avait pris leurs distances avec ce dernier, Bernard Antony, l’un des chefs de file, participant même à la fondation du Parti de la France avec Carl Lang en 2009. Aujourd’hui sorti de l’appareil frontiste, ces organisations intégristes tentent de peser politiquement sur la droite nationale. C’est dans ce but que Civitas organise depuis deux ans une manifestation le 8 mai en l’honneur de Jeanne d’Arc, véritable pied-de-nez au FN et à son défilé du 1er Mai. Cette année participait au défilé un manifestant très remarqué, Roger Holleindre membre fondateur du FN, démissionnaire lors du congrès de Tours. La démonstration de force de samedi dernier prouve que ce courant intégriste, fort d’environ 15 000 personnes, saura faire entendre sa voix pour la présidentielle de 2012.
Aymeric Chardon