Publié le Samedi 9 septembre 2017 à 08h45.

La crise d’Europe Ecologie – Les Verts sonne-t-elle la fin de l’écologie politique ?

EELV sort exsangue de la période électorale : finances dans le rouge, départ de la moitié des adhérent-e-s (moins de 2 000 aujourd’hui), fonte du nombre d’élus et perte de crédibilité…

La crise s’est approfondie quand, après avoir validé la candidature de Yannick Jadot aux présidentielles, le parti écologiste a finalement retiré son candidat au profit de celui du PS, Benoît Hamon. Le faible résultat de ce dernier a déboussolé les « écolos », qui n’ont pu que constater que leur parti ne défendait plus ses idées et avait même disparu de la scène politique : un seul député, et qui s’est déclaré membre de la majorité présidentielle !

 

EELV en crise 

A sa création, EELV rassemblait des militants et personnalités aussi différents que les régionalistes de Régions et peuples solidaires, des démissionnaires du PS (Pierre Larrouturou), des dissidents du PCF (Stéphane Gatignon, maire de Sevran), le chercheur Philippe Meirieu, la juge Laurence Vichnievski, François Dufour de la Confédération paysanne mais aussi Stéphane Hessel, Augustin Legrand (les Enfants de Don Quichotte), Emmanuelle Cosse, ancienne présidente d’Act Up, Bruno Rebelle de Greenpeace... Une belle dynamique sur le papier mais, dans la réalité, un mélange hétéroclite d’ambitions personnelles voraces, un creuset où différentes stratégies politiques se combattaient dans un climat de guerre froide, une organisation dominée par la tactique électorale au détriment des actions de terrain. Ce ne sont pas les De Rugy, Placé et Pompili qui ont arrangé le tableau.

En 2012, l’estocade fut portée par le PS qui réussit à capter au gouvernement des dirigeants verts qui ont tout accepté des politiques antisociales et sécuritaires et se sont montrés inutiles pour défendre les revendications écologiques : sortie du nucléaire, arrêt des Grands projets inutiles imposés… Rien à voir avec l’objectif affiché d’être les porte-paroles des luttes dans les institutions locales et à l’assemblée nationale.    

 

Qu’est-ce que l’écologie politique ? 

L’écologie est apparue en réaction à l’accélération de la transformation du monde par la révolution industrielle capitaliste, l’urbanisation et la dégradation de l’environnement. D’abord science, elle est devenue un courant politique dont les premières manifestations ont été le fait de chrétiens antimodernistes, qui ont dénoncé la course capitaliste à l’enrichissement matérialiste, détruisant la nature, œuvre de Dieu.

L’écologie politique, qui a surgi après les deux guerres mondiales et s’est affirmée lors de Mai 68, existe comme courant depuis les années 1970. Elle met les enjeux écologiques au cœur de l’action politique et de l’organisation sociale, élabore à partir d’un projet politique et non de la morale. Elle regroupe des théoriciens divers allant d’André Gorz et Alain Lipietz, se revendiquant alors de l’anticapitalisme et s’appuyant sur une critique de l’ordre existant, à Jacques Ellul ou Günther Anders qui font de la technique, et non du capitalisme, la cause du productivisme et de la déshumanisation de la société. Si les uns et les autres intègrent le rapport humanité/nature et les relations des humains entre eux dans la nature, ils ne voient pas l’Histoire comme une lutte entre les détenteurs de capitaux et les travailleurs : ils veulent dépasser cette opposition.

L’écologie politique accorde une utilité au mouvement social pour transformer la société, mais privilégie une éthique comportementale, faisant porter aux individus la responsabilité de leurs choix. En France c’est René Dumont, candidat à l’élection présidentielle een 1974, qui a donné une audience massive à l’écologie politique.

 

La fin de l’écologie politique ? 

Pour comprendre l’évolution des écologistes, il faut revenir en arrière. Jusque dans les années 1980, les « écolos » ne créent pas de parti. Ils tiennent des AG à la veille des élections locales et nationales pour déterminer leur position. En 1981, ils vont ainsi désigner Brice Lalonde, alors proche du PSU. Une fois les élections passées, chacun-e retourne à son association, à son syndicat.

Mais tout change quand les Verts allemands, mobilisés contre les euromissiles (installés en Europe par les Etats-Unis et l’OTAN) et les SS20 soviétiques, créent un parti (Die Grünen) qui va, grâce à la proportionnelle, occuper des postes électifs au niveau territorial et, dès 1983, national. Cohn-Bendit et Frieder Wolf vont propager la stratégie des Grünen en France et pousser à la création d’un parti vert doté d’une même ambition de participation au pouvoir.

En France, au début des années 1980, les rapports entre les Verts et la « vieille gauche » sont conflictuels. La réflexion menée alors chez les Verts tourne autour de l’autonomie, la solidarité, la responsabilité et la démocratie participative. Des questions se posent : que faire avec le PS productiviste, de plus en plus libéral ? Que faire avec le PCF pro-nucléaire ? Réponse : rien ! Le « ni droite, ni gauche » mené par Antoine Waechter  pousse les Verts à l’autonomie. Les succès aux municipales de 1988 et aux européennes de 1989 (11 %) valident cette stratégie politique.  Mais aux législatives de 1993, l’alliance les Verts/Génération Ecologie n’obtient aucun élu. Les écologistes comprennent que, sans accord électoral avec d’autres partis, l’écologie politique ne peut peser sur la gestion des affaires. Le débat fera rage jusqu’en 1995 (Dominique Voynet n’osant pas alors appeler à battre la droite au second tour de la présidentielle).

La politique des alliances l’emportera en 1997 : Les Verts et Génération Écologie entrent au gouvernement. Mais en 2002, les Verts, malgré leurs candidatures autonomes aux législatives, ne profitent pas de la défaite du PS, se déchirent et oscillent à nouveau entre accord électoral et autonomie par rapport au parti dominant à gauche. 

En 2017, la situation se dégrade après la participation de ministres EELV aux calamiteux gouvernements Ayrault-Valls-Jospin. EELV en sort déconsidérée, critiquée, désertée.

 

Et pourtant…

La conscience écologique progresse ici ou ailleurs sur la planète. La crise écologique gravissime qui menace l’humanité (basculement climatique, déforestation, chute de la biodiversité) bouscule les certitudes idéologiques sur l’horizon indépassable du capitalisme, dont la responsabilité première dans les crises sociales, économiques et écologiques n’est plus à démontrer.

En Europe, les partis verts ne profitent pas de cette progression de la conscience. La gestion des affaires de la bourgeoisie au sein de gouvernements sociaux-démocrates ou libéraux ont mis en lumière les limites des partis verts : dénoncer les effets du système sans oser s’attaquer aux causes, liées aux modes de production et de consommation capitalistes, est une impasse. Aujourd’hui, EELV en paye le prix. Pour nous, une politique écologique conséquente ne peut être qu’anticapitaliste.

Le capitalisme est remis en cause par un nombre croissant d’individus qui, soit organisés dans des partis, soit investis dans des expériences individuelles ou de groupes, le contestent et tentent de mettre en pratique des contre-pouvoirs (AMAP, ZAD, production autonome d’énergie renouvelable, échanges de semences…), parfois dans l’illégalité. 

Celles et ceux qui sauront incarner une politique écosocialiste (anticapitaliste et écologique), qui réussiront à construire une radicalité porteuse des bouleversements indispensables pour sortir du capitalisme et bâtir des sociétés où vivre et prospérer ne seront plus synonymes de destruction et d’asservissement de l’environnement et des humains, celles et ceux-là montreront qu’un « autre monde est possible ». Voilà la bataille qui est devant nous.

Ce n’est pas dans les institutions de la Ve République que ce combat doit se mener, c’est dans les luttes de terrain, à tous les étages de la société, avec les uns et les autres, organisés ou non. Les forces militantes du NPA doivent être mobilisées pour contribuer à donner, avec d’autres, une issue positive à l’avenir de l’humanité.

Sophie Ozanne

 

Cet article a été élaboré dans le cadre de la Commission nationale écologie du NPA. Informations sur :

- sa page internet du site NPA, https ://npa2009.org/commission_ecologie/

- son blog (avec des textes de différents comités et les articles de campagne présidentielle), http ://npa-ecologie.org/

- sa page Facebook (avec des blogs de comités NPA et des articles divers), facebook.com/npaecologie/