Publié le Lundi 6 juillet 2015 à 10h40.

Le néolibéralisme : de l'économie de marché à la société de marché

La contre réforme néo-libérale engagée depuis les années 1980 ne se contente pas de privatiser, de casser les différentes formes des "états providence", les systèmes de protection sociale, d'attaquer les salaires et les acquis du prolétariat. Elle réorganise l'ensemble de la société, de l’économie généralisée de marché vers une société de marché. C'est plus qu'une simple restauration du capitalisme d'antan et du libéralisme traditionnel. L'état ne se retire pas, mais se réengage sur de nouvelles bases articulées à la mondialisation et la financiarisation.

Le néolibéralisme ne se contente pas d'exploiter les salariéEs, de maximiser la productivité, avec des exigences de résultats de plus en plus élevées, il organise « l'homme entrepeneurial », un individu soit disant responsable et autonome.

L'objectif est que les salariéEs intériorisent les nouvelles normes d'efficacité productive et de performance individuelle, en s'appuyant sur la peur chômage bien sûr, mais aussi :

  • en organisant le plus grand nombre possible de situations de marché, en imposant les exigences du client comme source de contraintes incontournables (y compris dans une même entreprise), en créant la concurrence où elle n'existe pas encore par l'individualisation des objectifs, afin que touTEs acceptent la situation de marché qui leur est imposée comme comme unique règle du jeu, afin que la mise en concurence entre salariéEs soit le type normal des relations,

  • en mettant en place une surveillance, des évaluations répétées avec récompenses et punitions pour forcer les individus à faire un calcul d'intérêt individuel.

 

En même temps, il y a une tendance à l'unification des conditions de travail entre secteurs, de l'industrie au tertiaire administratif. Les modèles industriels diffusent dans les services, le morcellement de l'activité, le chronométrage, les critères commerciaux s'implantent dans le secteur industriel, juste-à-temps, zéro stock, qualité totale, etc …

Partout s'imposent les changements permanents de l'organisation du travail. Leur rythme est intense, car il a une fonction essentielle dans le mode de gestion néolibéral. Il oblige les salariéEs à une remise en cause de leurs acquis, de leur expérience. A chaque modification, il faut faire des efforts de réappropriation du travail, de réapprentissage des marges de manœuvre, ce qui crée une insécurité, que les patrons installent partout, y compris là où les emplois sont moins instables. La logique générale est d'individualiser au maximum le travail, d'augmenter les responsabilités individuelles pour donner à l'employeur des moyens de pression toujours plus importants. La troisième révolution industrielle, la diffusion massive des moyens de contrôle et de commande programmables, très flexibles, facilite un contrôle de plus en plus resserré sur le travail.

Les patrons cherchent en outre à contrôler la compétence des salariéEs. Ils élaborent des normes, des processus de travail, qui sont censés remplacer le professionnalisme, l'expérience acquise ou construite dans le travail. Au lieu de faire un bon travail, il est demandé aux salariéEs de respecter la norme, le processus de travail défini, les objectifs imposés.

Cette évolution déplace les contraintes. S'ajoutent aux contraintes physiques de nouvelles tensions de plus en plus pesantes. Les contraintes temporelles qui densifient le temps de travail. La chasse aux temps morts, aux tâches « non directement productives » est destructrice. Car dans ces temps, ces gestes, ces réflexions que les patrons veulent supprimer, il y a un travail important, de récupération de formation, d'apprentissage, de réflexion sur son activité. 

Les collectifs de travail sont morcelés, limitant les possibilités de coopérations entre salariéEs, augmentant la concurrence entre les individus, complexifiant l'échange entre métiers différents.

Le produit le plus visible de tout cela , ce sont les problèmes de souffrance au travail que toutes et tous cotoyent, qui provient de la perte de sens du travail, du sentiment qu'on n'a pas la possibilité de changer les choses, du fait qu'on ne parvient pas à contester l'Ordre productif, ni même à modérer collectivement ce que les patrons imposent.

L'organisation du travail, son contenu, son sens, sont aujourd'hui l'objet d'un conflit de classe. Les capitalistes l'ont engagé, ont repris les espaces de liberté au sein du travail aliéné qu'avaient acquis les salariéEs par leurs luttes et font tout pour empêcher la reconstitution de ce rapport de forces.

La forme qu'a pris l'exploitation des salariéEs avec le néolibéralisme impose à l'action collective, syndicale, politique, de ne plus en rester à contester les salaires, le temps de travail, mais aussi d'investir le champ du politique, de la conception de la société, pour aider à reconstruire une nouvelle solidarité de classe face au système capitaliste.

Patrick, Rouen