Depuis 2015, la mobilisation féministe connaît un nouvel élan qui prend racine en Amérique Latine dans la lutte contre les féminicides. Le terme alors peu connu s’impose progressivement et devient central dans la construction du mouvement Ni una menos (pas une de moins). C’est ce mouvement contre les féminicides qui remet à l’ordre du jour la grève du 8 Mars comme perspective stratégique internationale pour la lutte.
En 2017, la dénonciation des violences faites aux femmes et notamment du harcèlement sexuel se propage d’abord dans les cercles très fermés du cinéma hollywoodien puis à l’échelle de toute la société. En 2018, une mobilisation naît dans l’État espagnol en réponse au viol d’une jeune femme par un groupe d’hommes se faisant appeler la manada (la meute). Dans chaque ville et chaque village des manifestations massives ont lieu et marquent en Europe une autre étape de la lutte contre le patriarcat et sa violence. En France, la prise de conscience du nombre de féminicides notamment à travers les comptages quotidiens de Féminicides par (ex) compagnon et relayé par Nous toutes, provoque, aujourd’hui, le besoin d’une riposte de rue. Cela se traduit par des rassemblements et des manifestations – depuis septembre, plus de 25, soit un rassemblement/manifestation tous les 1 jour et demi – mais aussi par des collages spontanés qui cherchent à interpeller et à visibiliser les féminicides en occupant l’espace public. Ce sont autant d’actes qui contribuent à briser le silence et l’isolement social engendrés par les violences. Dans ce contexte il apparaît vital de se doter d’outils collectifs. L’auto-organisation face à la violence est à nouveau une évidence pour de plus en plus de femmes qui prennent leur destin en main. Alors que le patriarcat cherche à nous maintenir dans une attitude passive nous nous construisons et nous nous positionnons pleinement comme sujet politique.Lutter contre les violences faites aux femmes nous permet de faire l’expérience du combat collectif à propos d’une violence vécue dans la sphère privée mais aussi dans le cadre du travail et de l'espace public, car elle est systémique. L’auto-organisation doit nous permettre de créer un rapport de force en faveur de la prise en compte concrète des violences et des féminicides. Elle doit aussi être l’occasion de créer des espaces de parole et de sororité, nécessaires pour traiter les violences subies et permettre la reconstruction via une prise en charge collective. En cela elle est une réponse adéquate au désir croissant de mobilisation et en tant que militantes révolutionnaires nous ne pouvons être extérieures à cette dynamique. Nous devons initier les cadres collectifs et participer activement à la construction de l’auto-organisation tout en y portant notre position féministe lutte de classe. L’enjeu est d’autant plus grand que la question des violences de genre traverse l’ensemble de la société et est un vecteur privilégié de conscientisation. Il est essentiel de lier la question des féminicides au système de violence qui maintient l’oppression des femmes pour comprendre et décortiquer ses racines structurelles de . Il est aussi essentiel de faire le pont avec les luttes LGBTI+ et antiracistes afin de faire reconnaître la spécificité des violences subies. En France, les revendications du mouvement actuel portent sur la reconnaissance spécifique des féminicides et les moyens nécessaires pour les éradiquer : en terme financier, éducatif et de formation de toutes celles et ceux amené.e.s à accueillir des femmes victimes de violences. Nous savons que la majorité des femmes tuées par leur conjoint ou ex conjoint ont déjà porté plainte à plusieurs reprises. De nombreuses associations du mouvement des femmes organisent la prise en charge féministe des violences faites aux femmes (lieu d’écoute, d’hébergement, etc.). La mobilisation actuelle doit pouvoir imposer un rapport de force indispensable pour obtenir les moyens nécessaires et mettre au grand jour, dans l’espace public, la question des violences qui doivent être prises en charge par la société toute entière à travers un cadre juridique et des dispositifs de santé publique incluant la spécificité de la souffrance des femmes victimes et les problématiques liées aux droits de l'enfance. La mise en place d’une loi cadre contre les violences faites aux femmes fait partie de nos perspectives. C’est la contradiction entre les annonces gouvernementales autour du Grenelle et le manque de moyens alloués à la lutte contre ces violences que nous pouvons aujourd'hui mettre en lumière. Les politiques néo libérales du gouvernement et l’austérité budgétaire s’opposent frontalement à une prise en charge efficace. Aujourd’hui le mouvement féministe au niveau local, national et international est au centre des mobilisations à la base. À travers la question des violences, comme vecteur de politisation initial il devient transversal et tisse les liens avec les luttes pour le droit à une vie digne dans tous les espaces : travail, sphère privée, sphère publique. De ce fait, il s’oppose à l’extractivisme et redonne un souffle à la lutte contre le capitalisme et à la lutte des classes. Si la grève féministe internationale du 8 mars doit être la prochaine échéance à construire pour impulser un changement de société, nous devons nous mobiliser plus que jamais d’ici fin novembre contre les violences de genre et les féminicides.
Par des militantes du comité NPA31, participantes des assemblées féministes Toutes en grève.