Publié le Mardi 30 juillet 2019 à 15h18.

Derrière le « bloc soviétique », un vocabulaire de guerre froide, une réalité conflictuelle

Après la phase de consolidation bureaucratique de l’URSS (années 1930-1940), Staline déclara le socialisme réalisé, sur la base de la planification centraliste et étatiste et de la collectivisation forcée des campagnes. 

Vers le schisme yougoslave

Cependant, la guerre civile anti­fasciste au sein de la Seconde Guerre mondiale aboutit à un scénario « impur ». Les alliances antifascistes que Staline avait voulu canaliser au profit de sa diplomatie et de la « construction du socialisme dans un seul pays » basculèrent vers la guerre froide entre systèmes : le plan Marshall des États-Unis (et ses dimensions anticommunistes radicalisées avec le maccarthysme), la reprise de la révolution (Yougoslavie, Albanie, Chine), et même le « coup de Prague » faisant de la Tchécoslovaquie un régime communiste de parti unique (mais très populaire) : rien de tout cela ne « respecta » le partage du monde de Yalta. 

Le premier grand schisme au sein du mouvement communiste fut lié à la révolution yougoslave, stimulant des projets de confédération socialiste des Balkans échappant au contrôle de Staline. D’où l’« excommunication » des « titistes » par le Kremllin en 1948, et des purges affectant bien des partis de la région. Se réclamant de la Commune de Paris et de Marx contre Staline, les dirigeants yougoslaves légalisèrent les conseils ouvriers (l’autogestion) au sein des entreprises puis des services et, après 1956, impulsèrent le « non-alignement » anticolonialiste. Après la mort de Staline (1953), le 20e congrès de « déstalinisation » en 1956 produisit une stabilisation bureaucratique « réformiste », par la remise en cause du goulag et des principaux crimes staliniens, et une plus grande satisfaction des besoins fondamentaux, un revenu social non monétaire et un emploi garanti, sans remettre en cause le parti unique. 

Impasses de la planification bureaucratique

Jusqu’aux années 1970, la croissance extensive permit une réduction des écarts de développement avec l’Europe occidentale – dont les traits « égalitaires » exprimaient les pressions internes / externes d’un « communisme » à l’œuvre derrière et contre le bureaucratisme des PC, autant que contre l’impérialisme dans les années 1960. Mais au cours de ces années 1960, tous les pays socialistes tentèrent de trouver des réponses aux impasses de la planification bureaucratique, d’améliorer la qualité et de réduire les coûts de production. Les résistances sociales (d’une partie de l’appareil et des travailleurEs) contre les réformes marchandes produisirent leur arrêt sans solution socialiste démocratique cohérente. Le recours aux importations produisit l’endettement externe de plusieurs pays d’Europe de l’Est dans les années 1970 (mais non pas de l’URSS soumise jusqu’à sa fin au boycott étatsunien) : la Roumanie, la Pologne, la Hongrie, la Yougoslavie et la RDA. Cela amplifiera les pressions externes du FMI sur ces régimes, pendant que l’URSS subit les pressions de la course aux armements impulsée par Reagan. 

Le tournant Gorbatchev (1985) intervient dans ce contexte, cherchant à réduire les dépenses d’armement et à obtenir crédits et technologies occidentales pour les réformes internes. Son rapprochement avec la RFA signifiait un « désengagement » envers le régime Honecker en RDA et l’acceptation de la chute du Mur. La fin de l’interventionnisme soviétique « libérera » aussi les tendances d’une partie des appareils bureaucratiques vers la consolidation de leurs privilèges de fonction en privilèges de la propriété sur des bases capitalistes, donc en nouvelle classe bourgeoise.

Catherine Samary