Entretien. Nous avons rencontré Enaut Aramendi du syndicat LAB (Langile abertzaleen batzordeak), syndicat des travailleurEs du Pays basque. Implantation, actions, rapport au syndicalisme français, l’échange a été riche...
Le syndicat LAB est bien connu localement, mais pour les lecteurs de notre journal, peux-tu revenir sur sa création et des raisons pour lesquelles il a été créé ?
LAB est né il y a 40 ans en plein régime franquiste en Pays basque sud. Organisé tout d’abord en Commissions ouvrières (les syndicats étaient alors interdits) devenu ensuite syndicat, il est aujourd’hui la troisième force syndicale dans la communauté autonome du Pays basque avec près de 45 000 adhérentEs.
Ne se reconnaissant pas dans les syndicats français, des militantEs du Pays basque nord (PBN) ont décidé de s’organiser. Deux possibilités : faire de l’entrisme et intégrer les syndicats déjà en place, ou créer une alternative syndicale forte au PBN. Les salariéEs ont donc préféré la deuxième hypothèse et se sont naturellement tournés vers LAB afin de trouver le soutien nécessaire.
En 2000, avec la création du syndicat en PBN (Iparralde), LAB devient donc le seul syndicat national en Pays basque. À ce jour, nous comptons 600 adhérentEs, des sections d’entreprises dans des secteurs différents : enseignement, services publics, commerce & services, social, santé, industrie, agriculture, quatre éluEs prud’homaux à Bayonne, dans les sections commerce, agriculture, activités diverses et industrie.
Quels sont ses territoires d’intervention, quelle est son implantation et comment agir ?
Notre champ d’action principal est le Pays basque dans sa totalité. Nous sommes un syndicat organisé au sud et au nord. Bien que nos champs d’action et de luttes soit locaux, avec une réalité socio-économique assise en majorité sur des TPE-PME, LAB s’inscrit clairement dans un mouvement mondial, internationaliste, anticapitaliste et solidaire. Il est donc logique pour LAB de travailler aux cotés d’autres organisations syndicales au sein de la PSNSE ou encore de la FSM.
Parce que le syndicalisme ne s’arrête pas aux portes de l’entreprise, LAB est un syndicat socio-politique qui travaille dans la rue, les collectifs unitaires, les actions internationales, contre la loi des multinationales et du Medef. La langue basque (euskara) est aussi utilisée pour l’ensemble de nos communications internes ou externes.
Après avoir attaqué le STC, la confédération CGT, s’en est pris également à LAB pour les élections dans les TPE. Peux-tu nous rappeler les faits, leurs résultats et les raisons de cette action ? Et nous dire de quel soutien vous avez bénéficié ?
Alors que nous nous étions déjà présenté en 2012, la CGT nous a attaqué en contestant la décision de la DIRECCTE de valider notre candidature aux élections des TPE. Le déroulé est simple. Nous avons fait acte de candidature à la DIRECCTE régionale, notre candidature a été validée et la CGT a fait un recours auprès du tribunal d’instance de Bordeaux (TI) afin d’essayer de nous faire invalider.
En première instance le 28 juillet, le TI de Bordeaux donnait raison à la CGT, puis le 30 septembre, la Cour de cassation de Paris a cassé ce jugement nous permettant ainsi de nous présenter. La CGT a fait le choix de ne pas écouter sa base locale et a continué son acharnement juridique. Le 14 octobre, le TI de Bordeaux, autrement formé, rejugeait sur le fond l’affaire et nous a donné raison.
Les raisons qui ont poussées la CGT à nous attaquer peuvent être nombreuses mais, selon moi, sa crainte est de devoir partager le « pouvoir » dans les instances paritaires. En effet, mêmes si ces élections sont régionales, nous aurons en 2016 une vision de la représentativité au niveau départemental. En fonction de ces résultats se fera la répartition des sièges dans les commissions paritaires, comme celles de la CAF ou de l’URSSAF. Les juges prud’homaux seront également nommés en fonction de ces résultats.
LAB revendique les résultats de la représentativité au niveau du PBN, car aux élections des TPE de 2012 on avait obtenu 2,35 % en Aquitaine, 10 % dans le 64 et plus de 20 % en PBN.
En 2016, nous aurons de façon officielle les résultats dans le 64. La CGT sait compter. Sa crainte est de devoir avouer que LAB, avec plus de 10 % dans le département, soit reconnu comme un syndicat représentatif. Ce qui donnerait un nouveau panorama syndical en PBN mais aussi dans le 64.
Nous pensons qu’il est possible de créer ici une majorité syndicale unitaire plus forte que celle qui existe en France. Si cela arrivait, la CGT devrait revoir sa position. Mais est-elle prête à travailler à cela dans l’intérêt des salariéEs en PBN ?
Concernant le soutien dont nous avons bénéficié localement, et alors qu’on sortait de plusieurs mois de lutte contre la loi travail, beaucoup de militantEs et syndicats CGT se sont mobilisés : une pétition contre l’action de leur confédération a été diffusée, et une motion de l’UL de Bayonne a été votée afin de s’en démarquer. Même l’UD CGT 64 s’est positionnée contre le second recours mais sans résultat. La CGT est restée sourde et a continué la procédure contre LAB sans tenir compte de sa base. Nous avons reçu de nombreux soutiens d’autres syndicats comme le STC qui est dans la même situation (avec un verdict le 28 octobre prochain), de Solidaires, du SLB, de la CNT, mais également de nombreux militantEs. On peut encore signer la pétition en faveur des libertés syndicales.
LAB a gagné en justice, mais nous avons perdu trop d’énergie, trop de temps et d’argent dans une procédure qui n’apporte rien aux travailleurEs.
Avec la mise en place de l’EPCI Pays basque qui va concerner le personnel territorial de 158 communes et les intercommunalités qui seront les premières impactées, ne serait-il pas important que tous les syndicats de la fonction publique territoriale (FPT) travaillent ensemble ? Comment va se continuer le combat pour LAB, comment arriver à construire l’unité syndicale ?
À la mise en place de l’EPCI Pays basque, beaucoup d’agents de la FPT vont changer d’employeur sans forcément changer de travail ou de mission. Elles/ils passeront d’une collectivité à une autre avec pas ou peu de changements à court terme. Il est difficile de savoir combien seront concernés, c’est pour cela que nous souhaitons obtenir des réponses du comité de pilotage (COPIL). Nous avons impulsé un travail intersyndical et on espère réussir à tirer vers le haut les conditions de travail des agents.
Dans le public comme dans le privé, LAB travaille à la création d’outils de négociations collectives locales afin d’améliorer les conditions de travail des salariéEs en général. Nous souhaitons créer des commissions paritaires et un centre de gestion au PBN. Dans l’intérêt des travailleurEs, il faudra travailler ensemble, toutes organisations syndicales confondues. LAB est prêt à le faire et attend de voir ce que feront les autres.
Propos recueillis par Sylvie Laplace