Publié le Mardi 23 avril 2013 à 12h32.

Essai : La Grèce, victime ou responsable, Marietta Karamanli

Avec la crise grecque comme archétype de la liquidation des acquis communs, on n’est pas fâché de trouver un livre qui se penche sur la question. Si Marietta Karamanli se pose la question d’une Grèce victime ou responsable, on ressort de cette lecture plutôt perplexe.L’auteur pose une histoire grecque fataliste qui en toute logique a amené au désastre actuel. Si le clientélisme et la mauvaise administration qu’elle dénonce ont conduit l’économie grecque au fond du gouffre, c’est un peu vite oublier que, dans toute l’Europe, les réductions budgétaires dans les programmes sociaux sont à l’œuvre : le dogme des 3 % servant de paravent à la vente aux enchères de tout ce qui appartenait au public, donc à tous. Si le Grec profite du système, que dire du Portugais qui se gave entre deux fados désargentés des subventions européennes, l’Espagnol faisant évidement la sieste sur un matelas d’or venant de la BCE, l’Italien détournant les fonds européens en roulant en Ferrari… en somme, tous les clichés des pays du sud pourraient y passer. Les seules données comparées qu’utilise notre essayiste proviennent de la Banque mondiale. Pratique quand on voit le VRP François Hollande vendre les entreprises françaises spécialisées dans le marché de l’eau lors de sa visite en Grèce.

Le peuple grec n'est pas responsableAujourd’hui député PS de la Sarthe, Marietta Karamanli propose pour les Grecs une rigueur toute simple : ne pas taxer les plus riches mais frapper le peuple en l’imposant. Pourquoi ? Les propriétaires et professions libérales ne paieraient pas leurs impôts. Le discours ne sort pas des sentiers battus de la caricature. La Grèce aurait vécu au-dessus de ses moyens ? Évoque-t-elle les Jeux olympiques qui ont coûté treize milliards au pays en 2004 ?Si, en apparence, Karamanli semble se défendre des clichés hellénophobes, qu’on peut lire par exemple sous la plume de Michel Rocard, elle-même s’en prend aussi à ses congénères, regrettant que ce pays soit « un État et un peuple qui hésitent à aller de l’avant. » Elle ne parle pas des millions de chômeurs, des 40 000 sans-abris, des gens qui cherchent de la nourriture dans les poubelles, des banques calcinées, des enragés qui s’en prennent aux élus, du retour à la terre de milliers de citadins. Elle n’évoque pas non plus le nouveau système D de redistribution de la nourriture, des centres de santé solidaires, de cette nouvelle solidarité qui dit : « Il ne faut laisser personne seul face à la crise »1. De nouvelles monnaies naissent dans tout le pays2, et comme en Espagne, une campagne « Je ne paie pas » a été lancée pour refuser les coupures d’électricité.On se demande si le cinéaste Costa Gavras qui a signé la préface a bien lu le livre. Comme Marietta Karamanli, il lui manque certainement de vivre cette Grèce contemporaine-là. Costa Gavras ­demandait qu’on cesse d’humilier le peuple grec, ce n’est pas ce genre de livre qui y contribue. Il rappelle pourtant comment l’Allemagne s’est faite la championne des ventes de matériel militaire en direction d’Athènes, exige plus de discipline fiscale en s’appuyant sur la « Liste Lagarde », cette liste de 2 000 noms de fortunes grecques qui ont placé du capital en Suisse. Costa Gavras pose la question : « Et maintenant que faire ? » Ce n’est pas Lénine qui lui répond mais une députée socialiste sans autre réelle solution que celle des élites qui se sont vendues à la doctrine libérale.

Christophe Goby1. Article de Nicholas Bell « Lettre de Paranesti », juin 2012,  Les blogs du Diplo.2. Article de Gilles Lucas « Faut pas prendre les Hellènes pour des poires » CQFD Juin 2012.

Essai : Mauvaise GrèceLa Grèce, victime ou responsable, Marietta Karamanli, éditions de l’Aube, La tour d’Aigues, 2013, 142 pages, 15,90 euros.