Haïti offre l’image d’un pays frappé par les cyclones, les tremblements de terre, sur un fond de misère sociale, de désastre écologique et d’instabilité politique. Certains, racistes inconscients ou actifs, n’hésitent pas à parler de pays « maudit ». La réalité est tout autre. Il suffit de connaitre son histoire, marquée par le colonialisme, l’impérialisme et une exploitation de classe féroce. Cet article tente d’en présenter les principaux traits.
La République d’Haïti est née dans des circonstances uniques. La résistance des esclaves qui affrontent les maîtres, ou des « marrons », mot désignant ceux qui s’échappent dans les montagnes, n’a jamais cessé. Elle aboutit, suite à la cérémonie de Bois Caïman, à un soulèvement général dans le Nord en 1791, qui conduira à « l’indépendance » en 1804. Mais « l’indépendance » n’avait pas de base matérielle et fort peu de moyens pour imposer la nouvelle nation face à ses ennemis.
En 1804, Haïti est un territoire ravagé par la guerre. L’infrastructure économique, plantations comme ports et villes, a été détruite par le feu. La situation est pire sur le plan humain. L’essentiel des colons et de leurs soutiens, civils ou militaires, a péri ou fui. Les esclaves, dont le nombre est estimé par les historiens à un demi-million, sont tombés en masse pendant la guerre. Les survivants refusent le retour aux plantations et le régime de travail forcé que veulent leur imposer les nouveaux maîtres issus de l’insurrection.
Une naissance au forceps
À la différence d’autres colonies du Continent, ce ne sont pas les colons qui ont acquis l’indépendance, ce sont des esclaves révoltéEs, dont 60 % étaient néEs dans plusieurs régions d’Afrique. Ils arrivaient sur l’île sans langue et culture communes, mais ont réussi la prouesse de se libérer de la principale puissance européenne, mettant en pièces, il est vrai avec l’appui de la fièvre jaune, environ 30 000 soldats de la meilleure armée de monde, commandée par Leclerc, beau-frère de Bonaparte. C’est bien plus que la révolution qu’ont connue juste avant les États-Unis ou la France.
Les États européens, tout comme les États-Unis qui ont conquis leur indépendance dix ans plus tôt, sont très hostiles à la jeune république. La première victoire de cette ampleur d’une révolte d’esclaves et première république noire est traitée comme un État paria et à abattre, dont l’exemple menace la stabilité du monde colonial et de l’accumulation capitaliste. Ce n’est qu’en 1862 que les États-Unis reconnaissent la République d’Haïti, soit après la libération des esclaves, suite à la victoire du Nord industriel sur le Sud agricole enrichi par les plantations esclavagistes.
L’hostilité de la France à l’indépendance d’Haïti est bien plus grande encore, car la colonie qui avait pour nom Saint-Domingue était la plus riche des Amériques. Les colons planteurs de tabac qui avaient été ruinés par la concurrence de la Virginie à la fin du XVIIe siècle, laissèrent le terrain libre au développement de grandes plantations d’indigotiers et surtout de canne à sucre. À la veille du soulèvement de 1791, avec près de 800 usines à sucre, la colonie dite « Perle des Antilles » est le premier producteur mondial de sucre. La réduction à l’esclavage d’un demi-million d’Africains dans la production de sucre et d’indigo, puis de café et de coton, ont fait la richesse des colons, des marchands, des armateurs, des banquiers et des ports français. D’où la tentative de Bonaparte de rétablir l’esclavage, puis après sa défaite et l’indépendance, de rétablir le régime colonial.
La dette ou l’invasion
Face à la menace de nouvelle intervention française, le jeune État occupe en 1822 la partie Est de l’île, colonie espagnole, notamment ses ports, pour affronter la menace d’invasion et libérer les esclaves. La France et le président Boyer négocient un accord portant reconnaissance par la France de l’indépendance de la République d’Haïti. En 1925, Charles X impose son texte d’accord sous la menace d’une escadre de 12 navires de guerre français équipés de 500 canons. L’accord inclut la réduction de 50 % des droits de douane sur les marchandises françaises, une forme de rétablissement du régime commercial colonial. Il inclut surtout une dette de 150 millions de Francs or, réduite sous Louis-Philippe à 90 millions, une somme considérable. La dette destinée à « payer » les terres perdues et la « perte » des esclaves entravera le développement pendant tout le XIXe siècle.
Premier décolonisé et recolonisé
Le paiement de la dette a reposé sur une taxe sur l’exportation de café et, pour cela, le président Boyer a imposé un code rural (1826), base d’un « apartheid légal » entre les populations urbaines et rurales. Pour payer les échéances de cette dette, puis d’autres encore, l’État haïtien a accumulé les emprunts. Après avoir payé la dette de l’Indépendance, il a dû continuer à enrichir les banques françaises. L’une d’elles créa en Haïti une banque qualifiée de « friponne » et d’État dans l’État. Les dettes envers les banques françaises seront soldées en 1922, grâce à un gros emprunt auprès de Wall Street sous la pression des occupants étatsuniens.
La dette de l’Indépendance a été estimée sous la présidence de Jean-Bertrand Aristide à 21 milliards de dollars d’aujourd’hui. Sa campagne pour un remboursement a peut-être compté dans son renversement en 2004. Entre guerre, militarisation face à la menace de guerre par la France, et ruine par la finance, Haïti n’est pas devenue économiquement indépendante. Premier pays décolonisé de ce qu’on appellera le tiers monde, Haïti est resté isolé et a été aussi le premier pays à être néo colonisé.
Mais le pire, si c’est possible, arrive au XXe siècle, avec l’occupation militaire par les États-Unis, qui ouvre plus d’un siècle de domination impérialiste, qui dure encore.
Prisonnier de l’impérialisme jusqu’à ce jour
Dans les années 1870, suite à l’effondrement des cours du café, et alors que le service de la dette représente 40 % des recettes de l’État, des compagnies étrangères intensifient l’exploitation du bois. Au début du XXe siècle, les investissements des États-Unis en Haïti (notamment banques, chemins de fer, transports urbains) entrent en concurrence avec ceux de l’Allemagne. Des financiers étatsuniens se disent prêts à investir si Washington prend en mains la direction des affaires en Haïti. Prenant le prétexte de graves troubles politiques, les États-Unis envahissent le pays en 1915. Profitant de la Première Guerre mondiale, ils évincent les Allemands, dont les biens sont confisqués. Ils prennent le contrôle direct du pays et de ses finances. Haïti n’avait jamais eu son indépendance économique. Elle perd alors sa légende d’indépendance politique. Rappelons qu’à l’époque les États-Unis, inspirés par la doctrine de Monroe, ont multiplié les interventions impérialistes : Cuba et Porto Rico (1898), Panama (1903), Honduras (1909), Nicaragua (1912), Mexique (1914), République dominicaine (1916).
Toute l’administration du pays passe dans les mains des occupants. En 1917, ils créent un corps militaire sous leur direction, la Gendarmerie. La résistance armée (les « Cacos »), conduite par Charlemagne Péralte, est vaincue en 1920. Lui-même est assassiné en 1919. Des paysanNEs sont bombardéEs et massacréEs, des milliers mis en prison ou enferméEs dans un camp.
Au service de Wall Street
La loi de 1805 interdisant aux étrangers la possession de terres est abolie. De nombreux paysanNEs sont dépossédéEs au profit de firmes nord-américaines. L’exploitation du bois et la déforestation s’accélèrent. Les autorités rétablissent une corvée, tombée en désuétude depuis longtemps, autant et parfois plus lourde encore que celle des codes ruraux du XIXe siècle. Le travail forcé est principalement destiné à la construction de routes indispensables aux exportations. Le commerce est réorienté de l’Europe vers les États-Unis. De nouvelles taxes sont créées, ce qui, en complément des droits de douane, assure le remboursement des dettes vis-à-vis des banques des États-Unis.
L’année 1929 est marquée par un mouvement lycéen et étudiant, qui déclenche la loi martiale, puis par le massacre de Marchaterre. Mais 1929 est aussi l’année de la grande crise, qui détournera l’attention du président Hoover, et aboutira en 1934 au départ des Marines. En 1936, dans une déclaration à un comité du Sénat des États-Unis, le major Butler, ancien Haut-Commissaire en Haïti, illustra fort bien, a priori sans le savoir, la thèse de Lénine sur le capital financier dans son ouvrage L’impérialisme, stade suprême du capitalisme : « J’ai servi pendant 30 ans dans les unités les plus combatives, les Marines. Je crois que j’ai agi comme un bandit hautement qualifié au service des grandes affaires de Wall Street. »
Deux siècles d’une féroce domination de classe
Édifiée peu après l’indépendance, une grandiose citadelle se dresse sur un piton rocheux dans le Nord d’Haïti. Elle fut construite sous Henri Christophe, un des principaux généraux de la révolution, qui bientôt se proclama roi. Ce monument est un motif de fierté nationale qui témoigne de la détermination à protéger Haïti d’une éventuelle invasion française. Le revers de la médaille est que sur les vingt mille paysans et soldats qui participèrent à l’édification de la citadelle, deux mille seraient morts à la tâche. Il semble bien qu’ils étaient enrôlés de force. Reproduisant le modèle en vigueur dans les puissances coloniales, le roi Christophe créa une aristocratie composée de membres de sa famille et de chefs militaires qui reçurent en don des terres de l’État.
Quant à la masse des anciens esclaves et à leurs enfants, ils étaient soumis à une discipline de fer et tenus de cultiver les grandes plantations auxquelles ils avaient été enchaînés avant la révolution. Christophe régna dans la partie Nord d’Haïti jusqu’en 1820. Dans le Sud se mit en place une république. Mais là aussi, les chefs militaires s’approprièrent une grande partie des terres des colons, nationalisées après la révolution. Ainsi, à travers tout le territoire, la masse des anciens esclaves fut dépouillée des terres qui leur revenaient. Ils furent aussi dépouillés du fruit de leur travail. Ce sont eux et elles qui s’échinèrent pour payer la dette de l’Indépendance.
Continuer à travailler sur des plantations qui ne leur appartenaient pas, comme au temps de l’esclavage, cela n’était pas du goût de la paysannerie. Elle voulait disposer de ses propres terres. Certains ont défriché des terres inexploitées dans les montagnes. D’autres ont versé une rente (jusqu’à la moitié des récoltes) pour disposer de parcelles sur les domaines des grands propriétaires et de l’État. D’autres, en toute illégalité, grappillèrent des lopins de terre sur ces domaines. D’autres enfin ont réussi à acheter des parcelles. À plusieurs reprises, la résistance des paysanNEs déboucha sur de grandes révoltes.
Une révolution inachevée
Le système mis en place au début du XIXe siècle s’est longtemps perpétué. Au sommet, dominait le chef de l’État, en général président de la République (parfois à vie). Au-dessous se trouvaient les dignitaires du régime, qui recevaient en dons des terres de l’État. Parmi eux les généraux, qui commandaient une armée pléthorique chargée de contrôler la paysannerie. La caste des officiers était traversée de nombreuses divisions. Une bourgeoisie commerçante, au début rachitique, a complété le tableau des classes dominantes.
La révolution haïtienne est restée inachevée. Elle fut très tôt confisquée par de petites minorités qui se sont entredéchirées. Christophe avait porté un projet de développement national, économique et social (tout comme ses prédécesseurs Toussaint Louverture et Dessalines). Il fonda des manufactures et ouvrit nombre d’écoles. Il n’en fut pas de même pour la classe militaro-rentière qui suivit. La modernisation du pays était le cadet de leurs soucis. Certes le budget national était fortement entamé par le paiement de la dette de l’Indépendance. Mais alors que l’État pressurait les paysans, quelle était la contribution des grands propriétaires ?
L’étroitesse de la base sociale des élites au pouvoir et leurs divisions internes les rendaient incapables de s’opposer à la finance internationale et aux menaces des grandes puissances. Allant de crise en crise, le pillage des finances publiques devint bientôt une de leurs raisons d’être. Cette activité est restée jusqu’à aujourd’hui une caractéristique du pouvoir politique haïtien et un grand obstacle au développement.
Au fil des années, une bourgeoisie d’affaires prit de plus en plus d’importance. Les exportations de café furent à la base de nombreuses fortunes. Elles ont enrichi des grands négociants, la plupart étrangers, installés dans les ports. Ils se firent également importateurs et créanciers de l’État, sans jamais investir en Haïti. Les intermédiaires qui collectaient le café auprès des paysans et une nuée de petits banquiers, d’usuriers, de courtiers, profitaient des transactions. Tout un monde qui vivait en parasite sur le dos de la paysannerie.
Lumpen bourgeoisie
L’occupation étatsunienne de 1915 ouvrit une nouvelle ère qui n’est pas close. Elle est notamment marquée par la transformation des classes dominantes et la crise agraire. Le poids des grands propriétaires s’est amoindri. En fait il semble bien qu’en Haïti la propriété de la terre n’a jamais été suffisante pour bâtir de très grosses fortunes. Il n’en n’a pas été de même pour le secteur commercial et financier...sans parler des activités liées au trafic de cocaïne.
Prenons l’exemple d’un des piliers de l’oligarchie haïtienne, la dynastie Brandt. Elle est d’origine étrangère comme la plupart des familles très riches d’Haïti. Son fondateur, un Anglo-Jamaïcain, est arrivé sous l’occupation américaine. Un ministre des Finances, qui l’avait connu pendant son exil en Jamaïque, le plaça à la tête d’une banque. Grand magouilleur proche du pouvoir, Oswald Brandt sut bénéficier de la nationalisation des biens de citoyens allemands. Il devint bientôt un magnat du café et de l’import-export. Au contraire des négociants du XIXe siècle, les Brandt ont investi tous azimuts : usines de produits alimentaires, achats de terres, création d’une banque etc. Aucun secteur lucratif n’a été négligé : il y a quelques années un rejeton de la famille a été accusé d’être au centre d’un réseau de kidnapping. Néanmoins, hormis quelques usines de produits alimentaires, l’oligarchie haïtienne s’est concentrée sur la finance et l’import-export. Elle est restée avant tout parasitaire.
Mondialisation capitaliste
La déforestation et la dégradation des sols ont commencé sous la décolonisation. Ayant un accès précaire à la terre, disposant de très peu de revenus, sans investissement public, sans crédit à un taux raisonnable, les petits paysans ont toujours vécu au jour le jour. Ils ont dû se contenter d’outils archaïques. Ils ont tenté de compenser ce handicap par des techniques agronomiques innovantes. Mais leur inventivité avait des limites. Avec l’augmentation de la population, il a fallu défricher de nouvelles terres, gagnées sur des pentes escarpées au moyen de brûlis. Les périodes de jachère ont été raccourcies pour gagner du temps, de sorte que lors des fortes pluies il n’y a pas assez de végétation pour retenir la terre. Au cours du 20e siècle, l’érosion et l’épuisement des sols sont allés en s’accélérant.
Durant leur occupation d’Haïti, les Américains créèrent quelques grandes plantations consacrées à des denrées d’exportation. Des milliers de paysans furent chassés de leurs terres. Beaucoup allèrent couper la canne à sucre à Cuba ou en République dominicaine. Le plan des occupants se heurta à une forte opposition et resta inachevé. Au début des années 80, à la fin du règne des dictateurs Duvalier (1957-1986), il fut réactualisé par des institutions financières internationales. Une des idées de base était que l’agriculture haïtienne étant peu productive, il serait judicieux de laisser aux États-Unis le soin de vendre aux Haïtiens de quoi se nourrir. Les exploitations agricoles étant trop petites, elles devraient céder la place à de grandes propriétés cultivant des produits tropicaux pour le marché nord-américain. Main-d’œuvre docile et bon marché, les paysans en excès devaient se faire surexploiter dans d’immenses ateliers de sous-traitance au service de multinationales du textile et de l’électronique. Un des projets de zone franche portait même le nom de Hong Kong des Caraïbes.
Dans les faits, les infrastructures d’Haïti étant déficientes et la situation politique instable, les usines d’assemblage n’ont créé que quelques dizaines de milliers d’emplois à travers le pays et leurs effectifs ont beaucoup fluctué depuis 40 ans. En revanche le sabotage de l’agriculture paysanne a bien eu lieu. Exemple parmi d’autres, les États-Unis ont obtenu du président Aristide que les droits de douane sur le riz importé soient réduits à quasiment rien. Le secteur rizicole haïtien est entré en crise tandis que les importations de riz depuis les États-Unis s’envolaient.
De la crise agraire au désastre écologique
La conséquence de la crise agraire a été un exode massif vers Port-au-Prince. La ville est passée de 136 000 habitants en 1950 à 900 000 en 2009, et plus de 1,2 million aujourd’hui malgré le tremblement de terre très meurtrier de 2010. La zone métropolitaine accueille 2,8 millions d’habitants (environ le quart de la population totale) dans des conditions environnementales déplorables. Ainsi la crise agraire a provoqué une crise urbaine, qui a fortement aggravé la crise écologique.
L’État haïtien n’a pas réussi à échapper au sort d’une néo-colonie. Depuis le début de son histoire, la société haïtienne a été marquée par de grandes inégalités. Aujourd’hui, tant en milieu urbain qu’en milieu rural, de larges catégories de la population se trouvent dans une situation de grande vulnérabilité. En plus d’une pauvreté chronique qui touche tous les aspects de la vie quotidienne, elles sont confrontées périodiquement à des chocs de tous ordres qui les menacent et que l’Etat prédateur ne leur donne pas les moyens d’affronter : chocs naturels (cyclones, tremblements de terre, inondations, sécheresses), épidémies, hausse soudaine des prix, conflits politiques, émeutes, actions de bandes armées.
Un sort unique aux Amériques
Comment expliquer qu’Haïti soit le pays le plus pauvre du continent américain ?
• Dans le sillage de l’indépendance des États-Unis (1781) celle de presque tous les pays du continent est le fruit de la volonté des colons de se débarrasser de l’exploitation coloniale par la métropole. Ces pays ont hérité de dirigeants issus de la classe aisée, parfois déjà d’une bourgeoisie naissante. Par contre, en Haïti, les colons ont quitté le pays. La classe dirigeante est issue de la guerre pour la libération des esclaves.
• La République des esclaves libéréEs est placée immédiatement au ban des nations par les puissances esclavagistes. Elle doit, sous la menace, acheter sa reconnaissance internationale par la France au prix d’une dette gigantesque qui a entravé son développement.
Reste la question : comment expliquer le contraste entre Haïti et la République dominicaine qui partagent une même île de la taille de l’Irlande ? En 2020, au classement de l’indice de développement humain de l’ONU, la République dominicaine est au 70e rang et Haïti au 170e rang (sur 198 pays). En 2019, le PIB par habitant de la RD est avec 7 700 dollars sept fois plus élevé que celui d’Haïti.
La colonie espagnole (les deux tiers de l’île en superficie) devint la République dominicaine au milieu du XIXe siècle. Depuis, les résultats des deux pays n’ont cessé de diverger. Ils connaissent d’abord de longues périodes d’instabilité puis, au début du XXe siècle, une occupation par les États-Unis. En 1930, le général Trujillo, à la tête d’une Garde nationale constituée par les États-Unis, installe une dictature (1930 - 1961). Trente ans plus tard, c’est Haïti qui connait la dictature des Duvalier (Papa Doc, de 1957-1971 puis Bébé Doc jusqu’en 1986). Sous Trujillo, l’économie dominicaine connait un important essor agricole appuyé sur une politique de grands travaux et d’accueil de communautés réfugiées. En revanche, sous les Duvalier, l’économie, déjà en crise, est laissée à l’abandon et décline. Elle reste centrée sur une agriculture aux faibles rendements. Les compétences et les investisseurs fuient le pays. La situation est encore aggravée par l’embargo économique imposé par l’ONU, après le coup d’État militaire contre Jean-Bertrand Aristide en 1991.
Dans le même temps, les investisseurs sont attirés en République dominicaine, notamment dans le tourisme et accessoirement dans les industries d’assemblage, alors qu’ils ont fui Haïti frappé par la misère et l’instabilité politique associée. L’économie dominicaine parvient alors à dominer en partie celle de sa voisine, par ses exportations, certains services et surtout l’exploitation de l’immigration haïtienne. Depuis des décennies, la surexploitation des immigrants haïtiens dans les champs de canne à sucre, puis presque toute l’agriculture et la construction, est une des sources d’accumulation de capital investi dans d’autres activités.
Pour aller plus loin :
sélection bibliographique
Suzy CASTOR, L’occupation américaine d’Haïti, Port-au-Prince, 1988, livre lisible à : http://classiques.uqac.c… ou https://tinyurl.com/xu54…
Gusti-Klara GAILLARD, Haïti : Il y a 196 ans, la « dette » de l’indépendance, https://cadtm.org/Haiti-… ou https://tinyurl.com/h8bx…
Benoit JOACHIM, Les racines du sous-développement en Haïti, Port-au-Prince, 1982, livre lisible à : http://classiques.uqac.c… ou https://tinyurl.com/eu5f…
Sophie PERCHELLET, Haïti : Des siècles de colonisation et de domination, https://cadtm.org/Haiti-… ou https://tinyurl.com/4tu4…
Jean-Marie THEODAT, Haïti – République dominicaine, Une île pour deux, 1804-1916, Editions Karthala, Paris, 2003