Publié le Mardi 26 février 2013 à 09h50.

Union européenne : Colmatages sur le dos des peuples

Par Jean-Philippe Divès

 

« Les conditions d’une sortie de crise de la zone euro sont réunies (…) Les résultats sont là, la confiance peut revenir (…) Si on m’avait dit au mois de mai que nous aurions pu aller aussi vite, j’aurais été le premier surpris » s’exclamait, ravi, François Hollande à l’issue du sommet européen des 13 et 14 décembre. Cet optimisme est pourtant loin d’être partagé.

 

Car si l’UE et l’euro ont résisté à l’annus horribilis 2012, les nuages menaçants continuent de s’amonceler. Alors que la majeure partie du continent s’enfonce dans la récession, la crise de la dette peut rebondir à tout moment. Le Portugal et l’Espagne pourraient vite être contraints de demander à leur tour des aides financières massives, à côté desquelles les versements à la Grèce feraient figure de pourboire. Le Royaume-Uni prend de plus en plus de distances avec le continent et semble envisager sérieusement une sortie de l’UE. La crise avive les tendances séparatistes au point de menacer la structure étatique de l’Espagne, du Royaume-Uni et de la Belgique.

 

Quant au dernier sommet européen, loin des proclamations hollandistes comme des annonces claironnant l’adoption « d’une feuille de route pour l’achèvement de l’Union économique et monétaire, sur la base d’une intégration plus approfondie et d’une solidarité renforcée », il n’a en réalité accouché que de mesures minimales. Principalement, un dispositif de surveillance communautaire des plus grandes banques, dont la tutelle passe ainsi des banques centrales nationales à la Banque centrale européenne. C’était la condition posée pour procéder dès l’an prochain au renflouement des banques qui en feront la demande. Et de cette façon, la Troïka étend son contrôle sur toutes les économies de l’Union.

 

Tout ce qui irait dans le sens d’un peu de solidarité a en revanche été écarté. Le Figaro souligne que « le projet initialement élaboré (…) a été vidé de sa substance (...) Exit l’ébauche d’un budget propre à la zone euro. Gommée l’esquisse d’un fond européen d’assurance anticrise. Rayée l’idée d’une émission de dette en commun [les fameux eurobonds]. Disparu, le calendrier de mise en place sur trois ans. » Seule a été retenue la possibilité d’« accords contractuels » entre Etats membres et institutions de l’UE, prévoyant des « incitations financières » en échange de « réformes structurelles » – c’est-à-dire de nouvelles mesures de déréglementation et de casse des droits sociaux. La première à en « bénéficier » devrait être l’Espagne, qui est invitée à aller plus loin dans le démantèlement de son droit du travail.

 

L’autre décision notable a été le déblocage de la tranche de 34,4 milliards d’euros « d’aide » à la Grèce, consécutif aux assurances données après l’adoption du « mémorandum 3 » qui aggravera encore la catastrophe sociale (voir article page 9). L’UE colmate ses brèches en avançant toujours plus dans la contre-réforme.

 

Le pire est que notre président « socialiste » non seulement s’accomode de ces pratiques, mais les trouve même parfaites. « L’union politique, c’est après, c’est l’étape qui suivra l’union budgétaire, l’union bancaire, l’union sociale. Elle viendra donner un cadre démocratique à ce que nous aurons réussi de l’intégration solidaire », assure-t-il. Enlevez le baratin « social » et « solidaire » et il reste la réalité : sauvons les banques et imposons l’austérité, pour le reste on verra. Et qu’importe le total déni de démocratie !

 

Les classes ouvrières, les peuples d’Europe ont engagé la résistance. Elle se concentre aujourd’hui en Grèce, en Espagne et au Portugal, où se sont succédé les grèves générales et d’immenses manifestations. Si ces mobilisations n’ont pas encore réussi à arracher des victoires, même partielles, c’est d’abord qu’il leur manque un programme et des perspectives clairs, ainsi que de nouvelles directions. Mais un autre facteur nécessaire fait également défaut : la généralisation des luttes à l’échelle européenne. Et de ce point de vue, la France est en retard. Alors nous savons quel sera en 2013 notre premier devoir internationaliste et européen : faire le maximum afin de faciliter, développer les luttes contre le gouvernement, le patronat et la Troïka, tout en construisant l’outil politique indispensable afin de mener ce combat.