Publié le Mardi 21 février 2012 à 19h35.

Hollande en campagne. Du discours du Bourget… aux engagements présidentiels

 

Après des mois de suspense, François Hollande a enfin dévoilé son programme. Contrairement à ce que ses envolées contre le monde de la finance auraient pu laisser penser, celui-ci reste bien social-libéral, même s’il retrouve des accents de gauche pour ce qui est des mesures sociétales.

Le début de contre-offensive médiatique et politique de Nicolas Sarkozy n’aura pas réussi à le masquer : la fin du mois de janvier a vu le lancement en fanfare de la campagne de François Hollande, occupant tout l’espace, grâce au discours du Bourget et à l’annonce de son projet présidentiel. Avec, immédiatement, un problème de « décalage » entre les deux événements. Au Bourget, devant les militantEs finalement enthousiastes – le parfum de la victoire escomptée? – le candidat socialiste a tenu un discours combatif, ciblant Sarkozy, les privilégiés, l’argent roi, la finance. Un discours de gauche, en quelque sorte… quoique encore assez flou sur les mesures censées illustrer « le changement ». D’ailleurs, quelques jours plus tard, la présentation de ses propositions s’est située dans un tout autre registre : là, devant la presse, il s’agissait de faire la démonstration du « sérieux » et de la « crédibilité ». Et, du coup, le « monde de la finance », pourtant dénoncé avec fougue et lyrisme au Bourget pouvait être rassuré… si tant est qu’il se soit jamais inquiété ! À la lecture des « 60 engagements pour la France » de F. Hollande, trois constatations immédiates s’imposent.

D’abord, beaucoup de ses propositions sont surtout des déclarations d’intention : « Je ferai des PME une priorité », « Je soutiendrai le développement des nouvelles technologies », « Je défendrai un budget européen ambitieux pour l’avenir de l’agriculture », « je rétablirai l’équilibre budgétaire en fin de mandat », « Je proposerai à nos partenaires un pacte de responsabilité », « en réorientant le rôle de la Banque centrale européenne », etc. Bien souvent, les moyens de la mise en œuvre de ces intentions ne sont ni détaillés ni même indiqués. D’où l’interrogation : véritables engagements ou vœux pieux ? D’autant qu’à l’évidence, en l’absence de toute volonté de rupture, nombre de ses « engagements » dépendent de la bonne volonté des partenaires européens, dont l’Allemagne. Bonne volonté dont on peut douter…

La priorité au... désendettement

Car, le deuxième problème soulevé est que les engagements du candidat socialiste sont conçus pour être totalement compatibles avec la logique du système, sur le plan économique comme financier. Pire, Hollande reprend à son compte les dogmes libéraux, notamment pour tout ce qui concerne le désendettement et la réduction des déficits budgétaires. Or c’est bien cette conception-là qui sert à justifier les politiques d’austérité, à commencer par la diète imposée aux services publics. Ainsi, une fois posé le retour à l’équilibre budgétaire, que vaut l’engagement à considérer l’hôpital public « comme un service public et non comme une entreprise » ou encore l’objectif d’un « délai maximum d’une demi-heure pour accéder aux soins d’urgence »? Tout comme le renoncement de fait au rétablissement de la retraite à 60 ans, la façon dont Hollande a arbitré la polémique qui s’était ouverte au sein de la direction du PS à propos de ses 60 000 créations – ou, plutôt, recréations… – de postes d’enseignantEs est éclairante : ce sera à effectif constants pour la fonction publique. Concrètement, ces postes seront financés par des suppressions dans d’autres secteurs de la fonction publique.

L’introuvable révolution fiscale

La véritable différence entre le programme économico-social de Sarkozy et celui de Hollande résiderait, nous dit-on, dans la politique fiscale. Celle-ci matérialiserait le clivage entre droite et gauche, entre défense des privilégiés et justice fiscale redistributive. C’est ainsi que, fidèle à la défense des plus riches et des multinationales, N. Sarkozy propose une augmentation de la TVA, l’impôt le plus injuste. Augmentation que dénonce, à juste titre, Hollande qui, par ailleurs, propose une tranche supplémentaire de l’impôt sur le revenu ainsi qu’une limitation des niches fiscales. Fort bien, même si la portée de ces mesures est limitée et assez éloignée de la « révolution fiscale » parfois évoquée. Mais il propose aussi d’accélérer la fusion de l’impôt sur le revenu avec la CSG… et de franchir ainsi un nouveau pas vers l’étatisation de la protection sociale, prélude à sa privatisation partielle.

On notera par ailleurs que plusieurs des mesures portées par F. Hollande sur le terrain de la production et de l’emploi, consistent en « financements, aides publiques et allègements fiscaux » qu’il s’agira, naturellement, « d’orienter ». Là, Hollande se situe complètement dans la continuité de ses prédécesseurs en matière de cadeaux au patronat. Cette politique fort coûteuse n’a jamais fait la preuve de son efficacité pour sauver ou créer des emplois : les entreprises profitent de l’effet d’aubaine, empochent les subsides, sans modifier en quoi que ce soit leur stratégie d’investissement ou de gestion des effectifs. Enfin, circonstance aggravante que tous les commentateurs ont notée : c’est la première fois qu’un candidat socialiste fait totalement l’impasse sur le pouvoir d’achat, y compris celui des salariéEs les plus modestes. Pas même d’augmentation du Smic au programme ! À l’heure de la crise mondiale, le socialisme de gouvernement s’avère de moins en moins redistributif… et fort éloigné de toute réflexion sur les urgences écologistes, décidément parents pauvres d’un programme par ailleurs fort modéré.

Renonçant à toute mesure un peu spectaculaire en matière sociale, le candidat social-libéral surfe sur l’anti-sarkozisme – pleinement justifié, faut-il le préciser… – et compte sans doute faire la différence avec son adversaire sur les questions dites « de société ». Citons pour mémoire : « le doit au mariage et à l’adoption pour les couples homosexuels », « l’existence d’un volet handicap dans chaque loi », « l’abrogation de la circulaire sur les étudiants étrangers », « le remplacement de la loi Hadopi », « le droit de vote aux élections locales des étrangers résidant légalement en France depuis cinq ans », « une part de proportionnelle à l’Assemblée nationale », « la ratification de la Charte européenne des langues minoritaires », etc. Et, de fait, la droite française est si incorrigiblement liée aux secteurs de la société et aux courants de pensée – et de croyance – les plus rétrogrades et les plus réactionnaires que ces thèmes risquent bien de faire revivre un clivage gauche /droite !

En 2002, affirmant que son « programme n’était pas socialiste », Lionel Jospin fut le premier à rompre avec une (longue) tradition que Mitterrand avait portée à son apogée : des campagnes électorales de « rupture » avec des discours très à gauche… débouchant sur un exercice du pouvoir assez analogue à celui de la droite. « L’audace » de Jospin ne lui avait pas porté chance ! C’est pourtant ce sillon que Hollande, en affirmant ne promettre que ce qu’il tiendra – et en réduisant en conséquence ses ambitions de « changement » – a choisi de labourer…

François Coustal