Il devait être le « candidat de la rupture », sonnant le glas d’une époque où il y avait encore des « acquis » à défendre, et même des grèves. Un candidat aux allures de cow-boy qui allait nous passer à la moulinette, un peu à la façon d’un Reagan aux USA ou d’une Thatcher en Grande-Bretagne : tout détruire, jusqu’aux fondements du compromis social inauguré par le Conseil national de la Résistance, pour mieux imposer - cette fois sans limite - le logiciel libéral. Il en a rêvé sans doute. Sarkozy invincible ?Le résultat reste pourtant des plus mitigé. à l’image de ses premiers mois de la présidence, et d’une épreuve de force engagée dès le début de l’hiver 2007 contre les régimes spéciaux des cheminots : un passage en force brutal, cynique, inaugurant la multitude des attaques et des lois dans tous les domaines. On peut en faire aujourd’hui le bilan ‑ c’est le sujet de ce dossier. Mais sans jamais anéantir les résistances, réussissant même à susciter bien des combats qu’on n’espérait plus.
Ce fut une défaite incontestable pour les cheminots, et au-delà pour notre camp social, mais ce ne fut pas non plus une réelle victoire pour le camp d’en face, de celles qui inaugurent une nouvelle période.
Et la suite a été un peu de la même eau. Pas de syndicats écrasés, mais des dirigeants syndicaux un peu plus compromis dans le simulacre du « dialogue social ». Pas de mineurs humiliés comme en Grande-Bretagne ou de contrôleurs du ciel licenciés par milliers comme aux états-Unis. Mais des résistances partout, jusqu’aux Antilles et à Mayotte. Sarkozy avait les Ray Ban, pas tout à fait la carrure pour jouer les Terminator.Le bonimenteur de la RépubliqueIl bat aujourd’hui un record sans précédent : celui du président qui a franchi allègrement et sans discontinuer le seuil des 60 % de mécontents depuis 33 mois. Un président minoritaire dans son propre camp, semant la panique parmi ses propres parlementaires, après avoir perdu une partie de ses électeurs sans doute parmi les plus enthousiastes en 2007.
à sa façon, Sarkozy a inauguré l’ère de la « cavalerie » en politique : des promesses distribuées à la volée, de telle sorte qu’on oublie celles de la veille. Il aura été le président de l’imposture, celui qui n’a pas grand-chose dans la besace, sinon le maigre crédit de ses propres illusions.
Sarkozy prétend aujourd’hui qu’il a « changé ». C’est nous renvoyer la même ritournelle, celle de l’affabulateur qui livre en même temps une part de vérité, en changeant régulièrement de discours, chaque jour un peu plus vite car chaque jour un peu plus démonétisés. Après le Fouquet’s, l’homme du peuple. Et toujours, paraît-il, le même volontarisme. Mais les ouvriers de Gandrange ne s’y sont pas trompés, les autres non plus. Cela fait beaucoup de déçus, de mécontents, et d’ennemis irréductibles.En finir avec toutes les politiques d’austéritéRestent les valeurs refuges… Dans la semaine qui a précédé l’annonce de sa candidature, il a clairement balisé une campagne de droite extrême, tout contre Marine Le Pen : contre l’euthanasie, contre le vote des immigrés, contre le mariage gay, mais pour le travail du dimanche et la mise à plat du système d’indemnisation du chômage.Il voudrait encore mordre, il faut le dégager ! Il n’y a pas à hésiter. Mais le piège est évident : cette élection n’est pas non plus un référendum, comme a tenté de nous en convaincre François Hollande dans les jours qui ont suivi.Hollande nous promet en même temps l’inévitable rigueur en période de tempête, tout en nous invitant à jeter le capitaine par-dessus bord. Mais pour le remplacer par qui, et par quoi ? Un marin d’eau douce qui dénonce un jour les marchés et s’aplatit dès le lendemain aux moindres froncements de sourcils ?
Pour faire du neuf à gauche, il faut une candidature clairement anticapitaliste, qui ne se fourvoiera pas dans les compromissions des majorités électorales, même au nom du moindre mal.
C’est cela l’enjeu de la campagne que nous avons à mener : on dégage Sarkozy, mais sans faire confiance à Hollande. Et on prépare la nécessaire contre-offensive dès maintenant, dans les luttes.
Jean-François Cabral