La séquence électorale confirme la profondeur de la crise politique et institutionnelle. L’instabilité, seule certitude à cette étape, ouvre toutes les possibilités, même les pires. L’opposition « socialisme ou barbarie », apparaît de plus en plus cruciale, dans le cadre d’un capitalisme pourrissant. Les révolutionnaires ont une responsabilité historique et doivent peser de toutes leurs forces pour modifier les conditions du rapport de force, nécessaire à la rupture avec le capitalisme. Combiner unification de notre classe et construction d’une force politique pour la transformation révolutionnaire de la société, regroupant les courants les plus déterminés, constituent un objectif impérieux.
Par Sandra Cormier, pour la majorité du NPA.
Le champ politique est aujourd’hui organisé autour de trois principaux pôles qui structurent la lutte de classes. Le courant libéral et autoritaire incarné par Macron, président mal élu et illégitime a été désavoué dans les urnes. Sans majorité absolue, il est aujourd’hui en difficulté pour gouverner. L’extrême-droite renforcée dispose, quant à elle, d’une représentativité parlementaire conséquente. La formation fascisante a étendu et ancré son implantation territoriale, fruit d’un processus long de captation d’une partie croissante de l’électorat populaire, basée sur une stratégie de dédiabolisation quasi-achevée. En optant pour un tournant autoritaire, une politique sécuritaire, raciste et islamophobe, la bourgeoisie en crise d’hégémonie a également banalisé le discours de l’extrême droite. C’est aujourd’hui le courant politique qui subit le moins les flux et reflux des rapports de forces politiques et qui dispose d’une grande stabilité électorale. Cette situation met désormais en danger le modèle même de la démocratie bourgeoise libérale et, très concrètement, la sécurité de l’ensemble du mouvement ouvrier et des oppriméEs. À gauche, l’émergence d’un pôle antilibéral se distingue, autour de la Nupes et plus particulièrement de la FI. Le vote Nupes est sans ambiguïté l’expression d’un réflexe d’autodéfense de classe, visible par sa sociologie et son l’implantation notamment dans les quartiers populaires. La Nupes, avec toutes ses limites, incarne pour des millions de travailleurEs, de jeunes, la rupture avec le néolibéralisme, la possibilité réelle de mettre un coup d’arrêt à l’offensive de la bourgeoisie et un espoir de changement.
Dans ce contexte, le bloc bourgeois autour de Macron, contraint de trouver une majorité, sera amené à chercher des alliés sur sa droite et à durcir encore sa politique, pour trouver toutes les solutions, même les pires. Cette instabilité est également renforcée par la désaffiliation croissante d’une partie de la jeunesse et des classes populaires avec la démocratie représentative. L’abstention devenue structurelle peut traduire un renoncement mais exprime aussi un rejet de la politique de la part d’une partie importante de notre camp social qui ne se sent plus représenté et qui ne pense plus qu’une élection peut changer la vie. L’instabilité, c’est aussi la confusion politique qui caractérise la période.
La porosité des électorats – un tiers des électeurs de Mélenchon ont voté Le Pen au second tour – s’ajoute aux ambiguïtés politiques des récents mouvements (Gilets jaunes, mouvement anti-pass). Un confusionnisme qui indique un certain reflux de la conscience de classe et indique que les colères peuvent se traduire dans des options politiques très différentes. La situation va donc être extrêmement mouvante et incertaine. Des mobilisation massives, unitaires et radicales contre l’inflation, pour les salaires, la protection sociale ou contre le dérèglement climatique, peuvent constituer des points d’appuis pour faire plier le gouvernement. Mais la colère peut aussi être dévoyée et détournée au profit des forces les plus réactionnaires, voire fascistes en distillant une politique sécuritaire, raciste, islamophobe et sexiste, visant à diviser les travailleurEs. L’enjeu majeur est alors de tout tenter pour que la situation de crise politique qui va s’amplifier ne bénéficie pas à l’extrême droite.
Unifier notre camp social
Dans ce contexte quelles sont les tâches des anticapitalistes ? Comment être utile dans la période ? À gauche, toutes les coordonnées de la situation politique actuelle vont être amenées à se renforcer. La Nupes et surtout le groupe de la FI, principale force d’opposition à Macron, qui dispose d’une grande visibilité parlementaire, vont devenir incontournables. L’essentiel n’est pas tant l’attelage politique que constitue la NUPES, pour lequel nous ne nourrissons pas d’illusion, mais ce qu’il représente dans notre camp social, à savoir la possibilité de mettre un coup d’arrêt aux politiques néolibérales, climaticides et aux oppressions. Les scores faméliques de l’extrême gauche montrent que l’espace politique pour critiquer de l’extérieur est extrêmement rétréci. Une posture propagandiste et identitaire ne ferait que renforcer notre marginalité. Si nous voulons être utiles pour le prolétariat, maintenir une audience large, et conserver un lien avec notre camp social, il faut notamment continuer à développer une tactique unitaire en direction de la Nupes et principalement de la FI dont une partie des électeurEs s’est reconnue dans la campagne de Philippe Poutou. Face à Macron et à la progression dangereuse de l’extrême droite, il y a une urgence, celle d’unifier notre classe. Or, la partie la plus consciente de celle-ci est aujourd’hui polarisée par la Nupes, en particulier la FI. Nous devons donc rediscuter des éléments tactiques qui vont dominer la période et notamment les questions unitaires qui vont occuper une place centrale.
Dans ce cadre, les méthodes sont variables en fonction des situations locales, notamment du degré d’intégration de telle ou telle formation politique de la Nupes à la gestion du système. Cette démarche unitaire ne peut se faire qu’en indépendance totale du social-libéralisme par la construction de cadres d’action, de débats, de réflexions et par l’implication dans les parlements populaires là où c’est possible. Le meeting unitaire de la Bellevilloise, à l’initiative du NPA, est un exemple de ce que l’on peut initier. Nous avons également la responsabilité de travailler à reconstruire une conscience de classe par l’organisation, la mobilisation de millions de personnes. La FI, focalisée par les élections et la conquête de positions institutionnelles, n’a pas organisé à la base, dans les quartiers, sur les lieux de travail et d’étude, un front de résistance aux politiques néolibérales et à l’extrême droite, regroupant les millions de travailleurEs qu’elle a influencés. Avec l’ensemble de sa direction élue au Parlement, la pression institutionnelle va s’exercer encore plus fortement sur les cadres de la FI qui seront largement captés par les tâches parlementaires. Dans ce contexte, les militantEs anticapitalistes et révolutionnaires doivent peser de toutes leurs forces pour reconstruire les outils permettant de regrouper notre camp social afin de l’armer pour mener les bagarres à venir, à commencer par celle des retraites. Cela passe concrètement par une implantation dans le travail de masse, la reconstruction de structures syndicales, l’animation de collectifs, souvent en décomposition. Mais également la construction des mobilisations de masses et unitaires sur les terrains de l’écosocialisme, du féminisme, de l’antiracisme en s’appuyant sur la dynamique unitaire sortie des urnes.
Construire une force indépendante pour la rupture avec le capitalisme
Ces éléments tactiques sont cependant indissociables des questions stratégiques. Il est indispensable de discuter des moyens de renverser le capitalisme. La FI est un regroupement réformiste au fonctionnement gazeux, non démocratique et organisé autour d’un chef omniprésent dont l’objectif est de ripoliner la République par un changement institutionnel.
La Nupes, une formation non stabilisée dont le devenir reste incertain
Le fil conducteur du NPA reste la construction d’une force anticapitaliste indépendante pour la transformation révolutionnaire de la société avec des délimitations claires sur le rapport à l’État et aux institutions. L’affrontement avec le pouvoir d’État et la classe dominante sont des éléments décisifs d’une stratégie révolutionnaire, ainsi que la combinaison de grèves de masse et de processus d’auto-organisation montrant le chemin vers la prise du pouvoir par les exploitéEs et les oppriméEs. Nous devons donc combiner le travail unitaire et la perspective de la construction d’une force politique démocratique, représentant les intérêts matériels des exploitéEs et des oppriméEs pour libérer la société du capitalisme.
Ces dernières années ont été marquées par des mobilisations parfois massives et/ou radicales contre les violences d’État et du capital, contre le racisme et les violences policières, les violences sexistes et sexuelles, les lois liberticides, le changement climatique et les projets inutiles et destructeurs. Toutes ces luttes, y compris le mouvement des Gilets jaunes, pourtant caractérisé par une forte radicalité et une longévité importante, se sont heurtées à la logique d’un État organisé pour faire régner l’ordre capitaliste. L’absence de projet politique alternatif au capitalisme et d’une organisation représentant les exploitéEs et les oppriméEs portant un programme de rupture constituent les raisons essentielles de la difficulté pour le mouvement social à dépasser le stade de la colère. On ne doit pas en effet se contenter de batailles pied à pied pour les revendications ou de gérer la défense individuelle des salariéEs, nous avons besoin d’organiser un affrontement global, un mouvement d’ensemble du monde du travail et de la jeunesse.
Il y a urgence, si nous ne voulons pas sombrer dans la barbarie du capitalisme en décomposition. Le NPA ne peut à lui seul incarner cette organisation. Il s’adresse aux courants les plus déterminés à défendre jusqu’au bout une rupture avec le capitalisme, aux millions de travailleurEs et de jeunes qui se sont reconnuEs dans la Nupes, des syndicalistes et des militantEs associatifs combatifs et qui n’ont pas tranché le débat stratégique, réforme ou révolution. Il ne s’agit pas d’additionner des organisations, mais de mener une bataille pour que l’anticapitalisme et la perspective révolutionnaire deviennent majoritaires dans notre camp social afin d’œuvrer à des regroupements. Ce regroupement devra être identifié par des marqueurs clairs qui, sans être des obstacles au travail unitaire, constituent des désaccords majeurs avec les réformistes, comme le rapport à l’État et notamment la nature des forces de répression comme la police ou l’armée, le rapport à l’impérialisme et à l’internationalisme, aux oppressions et l’importance des luttes et de auto-organisation face à l’action parlementaire. C’est autour de ces divergences avec les réformistes que nous pourrons travailler, dans le cadre du front unique, à faire progresser la conscience de classe et avancer dans la construction d’une force indépendante pour la rupture avec le capitalisme.