Publié le Lundi 27 juillet 2020 à 19h24.

Covid-19. Éviter la deuxième vague…

Avec près de 600 000 morts recensés dans le monde, dont plus de 30 000 en France, avec une épidémie qui continue à gagner de nouveaux territoires et qui accélère à l’échelle mondiale, tous les pays qui ont réussi à passer le cap du premier pic de contamination sont plus qu’attentifs aux signes de reprise épidémique.

Comme beaucoup d’autres pays européens, faute de masques, de tests, de places de réanimation, de politique de santé publique et communautaire, de volonté politique, après beaucoup de mensonges d’État, la France a dû recourir au confinement pour ne pas être submergée par le pic pandémique. Le prix à payer a été lourd. Trente mille morts directs donc, mais aussi le quasi-abandon des autres pathologies, l’explosion des violences domestiques, la déscolarisation, le développement de l’anxiété et de la dépression, la crise économique qu’ils veulent faire payer aux salariés…

L’été aidant, certains voulaient espérer que tout allait recommencer comme avant. Que comme la grippe, la chaleur, ajoutée à quelques mesures barrières, allait dissiper le virus. Et ils organisaient un déconfinement rapide, dicté plus par la nécessité de la reprise économique que par de réels soucis de santé publique. Après la réouverture du Puy-du-Fou sur intervention directe de Macron, le gouvernement supprime le prix plafond pour la vente de gel hydro-alcoolique, puis est contraint de faire marche arrière, se prépare à la réouverture de Disneyland Paris, et autorise le public lors du match de foot PSG-Le Havre, sous la pression des sponsors et de l’économie du foot, certes avec des mesures barrières, mais impossibles à respecter dans les queues avant le match. Mais aujourd’hui, en France, et encore plus dans les Balkans, à Barcelone, en Galice, à Lisbonne ou Leicester, il faut déchanter face aux annonces de cas groupés et aux mesures de reconfinement partiel qui se multiplient. Le Covid-19 n’est pas un virus saisonnier.

En France, sans même parler de la Guyane ou de Mayotte, tous les signaux précurseurs d’une remontée de la circulation active du Covid-19 sont au rouge. On retrouve de nouveau de l’ARN viral dans les eaux usées de nos villes. SOS Médecins et les généralistes voient de nouveau arriver des patients avec des signes de Covid-19, qui sont testés positifs, notamment des enfants après la reprise de l’école. Le taux de reproduction du virus, le R0, qui s’était effondré de 3,3 à 0,7 après le choc du confinement, est repassé au-dessus de 1 de moyenne sur tout le territoire. En Mayenne et dans la région rouennaise, il est déjà autour de 1,5. Autour de 1,3 en Nouvelle Aquitaine. Plus grave, en Mayenne ou en Seine-Maritime, les structures de tests et les équipes de traçage des ARS sont au bord de la saturation. Dans ces régions, depuis que la population est appelée à se faire tester massivement, les laboratoires ne font plus face à une pénurie de tests, comme au début de l’épidémie, mais à un manque de moyens pour les mettre en place : secrétariats des laboratoires privés saturés, équipes de prélèvement dépassées, réservation uniquement par téléphone et contact numérique qui révèlent la fracture numérique pour les plus fragiles, qui sont aussi souvent les plus touchés.

 

Des tests insuffisants…

On nous avait promis 700 000 tests par semaine, on est plus près des 250 000. Seules les personnes symptomatiques étaient testées, alors qu’il aurait fallu profiter de l’accalmie pour tester massivement toute la population, notamment celle qui est la plus à risque par son travail, son logement, ses déplacements (personnels des hôpitaux et des Ehpad, des collectivités, du transport, du commerce, des abattoirs…). Ce n’est qu’aujourd’hui qu’un dépistage plus vaste est organisé, face à la remontée du Covid, et toujours en courant derrière les cas connus, et dans certaines régions seulement. Révélant déjà les nouvelles failles du dépistage, son engorgement rapide, sans vraiment que ces signaux d’embouteillage ne soient notés, discutés et traités quand il en est encore temps, c’est-à-dire aujourd’hui. Il faut dépister beaucoup plus largement, et pas seulement autour des personnes symptomatiques. Il faut déployer rapidement et gratuitement les tests salivaires, alors qu’ils ne sont pas remboursés et sont peu diffusés. Ils sont sûrs, ne nécessitent pas d’écouvillon nasal mais un simple échantillon de salive, nécessitent peu de personnel pour le prélèvement, avec même la possibilité d’autoréalisation du test. Les résultats sont rendus en moins d’une heure, et pas une journée. Cela change beaucoup de choses. Cela permet non seulement de multiplier les tests, mais aussi, très important, de les organiser avant un événement précis, avant un rassemblement dans un espace clos, à la descente ou à la montée d’un avion, par exemple. Le secteur du tourisme est un secteur économique important pour de nombreux pays. Malgré la recrudescence des cas de Covid-19 dans les Balkans, en Algérie, au Maroc, ou à Lisbonne, les gouvernements et les tours opérateurs n’ont pas envie de se priver de la manne touristique, et donc organisent très peu l’information et les tests, qui risquent de décourager le tourisme. Et beaucoup de personnes ont à cœur de retourner dans leur pays d’origine, le temps des vacances. Malgré la limitation des déplacements aériens vers ou à partir d’un certain nombre de pays où le virus est hors de contrôle, les services de réanimation ont vu arriver des malades en provenance de ces pays. La prise de température n’est pas une mesure très efficace dans les aéroports, même si elle doit être généralisée. L’information et les tests salivaires dans les aéroports, les ports, notamment pour les destinations où le virus circule le plus, devraient être rapidement déployés.

L’extrême droite a profité de cette arrivée en réanimation de malades revenant d’Algérie pour pointer la responsabilité des immigrés dans la diffusion de la pandémie. Oubliant que les touristes français, quelle que soit leur origine, prennent les mêmes risques quand ils reviennent des pays les plus touchés, et sont aussi responsables de la diffusion du virus (85 % des cas de Covid au Portugal sont recensés à Lisbonne, haut lieu touristique). Oubliant que souvent, ce sont les voyages à l’intérieur même du pays qui favorisent la circulation du virus. On risque de l’apprendre avec les départs massifs en vacances en France, si les gestes barrières ne sont pas respectés. Oubliant que les virus se moquent des frontières et de la nationalité, et qu’une victoire contre le virus dans un seul pays ne sera jamais bien longue, si elle se fait dans un océan de pays touchés par la pandémie. C’est la base de notre solidarité internationale indispensable face au Covid-19, pour les tests, les masques, les réanimateurs aujourd’hui et pour des vaccins biens communs de l’humanité demain. Car face au développement inégal et combiné du virus, le mythe de la fermeture totale des frontières est un leurre dangereux.

 

Les difficultés du traçage…

Les ARS, les Agences régionales de santé sont rapidement débordées par la tâche du traçage dès que la circulation virale augmente. L’application Stop Covid est un échec annoncé. Très peu téléchargée, quelques pour cent seulement, personne ne pense plus qu’elle sera un élément clef du traçage autour des cas de Covid-19. Avant d’être un projet liberticide, c’était un échec sanitaire prévisible. Seuls les technocrates pouvaient penser possible de se passer de personnel humain pour tracer des contacts sociaux, nous proposant au passage d’abandonner une part de nos libertés. Autant de temps perdu pour la mise en place, dans le respect absolu du secret médical, des 25 000 personnels de santé communautaire dont nous avons besoin, aujourd’hui et peut-être encore plus demain, face au Covid-19Image retirée.. 25 000 embauches, puisque les travaux sur le sujet de l’université John Hopkins estiment les besoins autour de 3 à 5 personnes pour 10 000 habitants, pour la prévention, la détection, le soutien face au Covid-19, dans le cadre d’un service de santé public de proximité, unissant tous les professionnels du soin dans la cité, les quartiers, en lien avec la Sécu, les associations, les mairies, l’ARS. Plus largement, la santé communautaire doit être développée, au plus près des habitants, avec leur participation, dans le cadre de la démocratie sanitaire, à l’opposé de l’hospitalo-centrisme et des solutions technocratiques comme le numérique au service du pouvoir et des GAFAM, qui ont été présentées comme la solution, alors qu’ils sont une part du problème.

 

Sur le masque enfin, que de temps perdu !

Hier, ils ne servaient à rien, car les stocks d’État avaient fondu pour cause d’austérité et que les usines françaises avaient été fermées faute de rentabilité, dans le grand jeu de la concurrence capitaliste. Puis ils ont été conseillés, à mesure de l’arrivée de nouveaux stocks, mais obligatoires seulement dans les transports en commun. Pourtant de plus en plus de scientifiques alertent sur la réalité d’une transmission par aérosols du Covid-19, et donc du danger des lieux confinés, et pas seulement des transports en commun, et demandent instamment l’obligation du masque dans tous les espaces clos. Alors Emmanuel Macron, le 14 juillet, annonce que les masques deviendront obligatoires dans les espaces clos recevant du public… mais uniquement à partir du 1er août, et toujours pas gratuits ! Pourquoi attendre encore une fois, s’ils sont utiles, et le virus en circulation plus active ? Devant les interrogations qui montent, Castex est obligé d’annoncer que finalement, ils seront obligatoires dès le lundi 20 juillet. Mais précise devant le Sénat que, pour les entreprises, cela sera laissé à l’appréciation de l’entreprise, au cas par cas ! Triste aveu. Qui montre bien que les soucis de santé publique s’effacent toujours devant l’exigence de la rentabilité ! Car entreprise par entreprise, il sera bien difficile aux salariés de faire valoir les exigences sanitaires, alors que l’heure est aux plans sociaux du côté du patronat.

 

Pouvoir des travailleurs ou toute-puissance patronale !

Tous les médias parlent de la remontée des cas de Covid-19 en Nouvelle Aquitaine, ou en Mayenne. Mais bien peu de médias ont essayé de savoir autour de quels foyers les remontées s’organisent. Dans les structures de santé, hôpitaux, Ehpad, où le virus circule toujours, en raison de la faiblesse des tests des personnels de santé asymptomatiques. Dans les familles bien sûr. Mais aussi dans des abattoirs et des exploitations agricoles. En Nouvelle Aquitaine, 17 cas ont été testés positifs dans une exploitation agricole de travailleurs/ses saisonnierEs cueillant des myrtilles à Parentis-en-Born, dans le département des Landes. La plupart des 400 saisonnierEs, de nationalité polonaise et roumaine, étaient entassés dans les bungalows d’un camping. Quand on sait qu’en 2006 les saisonnierEs de cette entreprise avaient dû aller devant les prud’hommes pour rupture anticipée du contrat de travail, on imagine la difficulté pour simplement imposer des mesures barrières, notamment dans les bungalows. À la Pentecôte déjà, le scandale de travailleurs/ses agricoles saisonnierEs, victimes du Covid-19 à cause des conditions indignes d’hébergement, avait éclaté dans un certain nombre d’exploitations agricoles du Sud-Est de la France. L’Humanité avait parlé de plus de 4 000 à 5 000 saisonnierEs, venuEs d’Espagne, contraintEs par une véritable mafia de la terre à travailler et dormir dans des conditions indignes. 17 saisonnierEs avaient été testéEs positifs dans le Gard, 39 dans le Vaucluse et 114 dans les Bouches-du-Rhône, dont un placé en réanimation. Des chiffres qui ne prennent pas en compte les tests des laboratoires privés, mais uniquement les tests réalisés par pompiers et hôpitaux. Il suffit de voir la vidéo des conditions d’hébergement pendant la quatorzaine, réalisée par un de ces saisonnierEs, matelas groupés à même le sol, pour imaginer les conditions d’hébergement avant cette quatorzaine.

En Mayenne, les abattoirs ont été un des lieux de développement du virus. Le problème des abattoirs est connu, des USA à l’Allemagne, en passant par le Nigeria, où un seul super-contaminateur a pu transmettre le virus à plus de 550 personnes. Il n’y a pas de certitude sur la cause, mais des hypothèses qui ne s’excluent pas l’une l’autre. Un milieu froid et humide, quasi hivernal. Une ventilation pour pousser cet air froid. Beaucoup de bruit qui pousse à se rapprocher ou à enlever le masque pour communiquer. Des distances de sécurité sur les chaines qui sont insuffisantes… On comprend qu’au-delà même des tests qui doivent régulièrement être organisés de manière préventive dans ces milieux, c’est l’organisation même du travail qui doit y être repensée, qui met en cause la profitabilité de la structure. Sans parler de la médecine du travail muselée face au Covid-19. Pouvoir patronal sur les conditions et l’organisation du travail, ou pouvoir des collectifs de salariés sur leur vie, la question est centrale dans la lutte contre la diffusion du Covid-19 en entreprise.

 

Préparer le système de santé et les hôpitaux au pire !

Alors qu’il aurait fallu rouvrir des lits d’hôpitaux, embaucher massivement des personnels, former du personnel de réanimation, les directions d’hôpitaux sont de retour, les lanceurs d’alerte sont condamnés, comme à l’hôpital psychiatrique de Sotteville-lès-Rouen. Le Ségur de la santé, contraint à l’augmentation salariale des personnels, accouche seulement de la promesse de 15 000 embauches pour toutes les structures de soin, bien loin des exigences syndicales de 120 000 embauches. Mais surtout il aggrave la flexibilité, accélère les restructurations, la territorialisation et la privatisation rampante de l’hôpital, et valide la transformation des EHPAD en hôpitaux de proximité de la loi Buzyn. Comment rouvrir des lits, développer les urgences et la réanimation sans effectifs supplémentaires ?

Là où il aurait fallu donner du pouvoir au personnel dans l’entreprise pour une nouvelle organisation protectrice face au virus et utile à la société, il n’y a que plans sociaux et chasse aux syndicalistes ou inspecteurs du travail. D’un côté, la montée du Covid-19, de l’autre, pour relancer la machine économique et les profits, le relâchement des mesures barrières, le retour de l’austérité et de la contre-réforme des retraites. Explosif !

On est encore loin des urgences saturées et des lits de réanimation suroccupés des débuts de la première vague. Mais si nous continuons comme aujourd’hui, nous savons quel est notre futur dans quelques semaines, sans même parler du début de l’hiver. Masques et tests en masse et gratuits, traçage communautaire respectant le secret médical, lavage des mains, mesures barrières, bouclier social et sanitaire pour organiser la vie sociale, la production, les transports, les loisirs au temps du Covid-19, qui s’est invité parmi nous pour longtemps, voilà nos exigences immédiates. Pouvoir sur nos vies et pas soumission aux exigences de rentabilité du capitalisme, voilà nos réponses. Au mouvement social de faire entendre rapidement sa voix. Il y a urgence, si nous ne voulons pas d’un deuxième reconfinement, avec son cortège de morts et de détresse sociale.