Entretien. Le 1er octobre est la date de l’entrée en vigueur de la contre-réforme de l’assurance chômage, qui va encore un peu plus dégrader les conditions d’indemnisation des chômeurEs. À cette occasion, nous nous sommes entretenus avec Simon, qui fut l’un des occupantEs de l’Odéon au printemps dernier lors de la mobilisation exigeant la suppression de cette contre-réforme.
Peux-tu revenir sur les principales dispositions de la réforme de l’assurance chômage que le gouvernement compte mettre en œuvre au 1er octobre ?
Les principales dispositions de la réforme de l’assurance chômage doivent, selon le gouvernement, être mises en œuvre en deux temps. Tout d’abord, au 1er octobre c’est le mode de calcul du salaire journalier de référence (SJR) qui doit changer. Ce changement concerne 1,15 million de chômeurs et chômeuses qui vont voir leurs droits baisser de manière significative à partir de cette date. Les plus impactéEs par ce changement de mode de calcul seront celles et ceux qui, parmi les privéEs d’emploi, sont déjà les plus précaires, notamment toutes les personnes qui ont un emploi discontinu (saisonnierEs, travailleurs et travailleuses dans l’événementiel, guide conférencierEs…).
Le deuxième temps se fera à partir du 1er janvier, où, là, c’est le durcissement du seuil d’accès aux indemnités qui va entrer en jeu. Avec cette mesure ce sont au moins 500 000 chômeurs et chômeuses qui vont sortir du système d’indemnisation. Ce sont aussi 50 000 cadres qui verront baisser leurs indemnisations à cause de la dégressivité mise en application au 1er janvier également.
Face aux mensonges gouvernementaux, peux-tu donner quelques éléments sur la réalité du chômage aujourd’hui ?
Depuis la rentrée, plusieurs déclarations ont été faites par le gouvernement à travers la voix de sa ministre du Travail, Élisabeth Borne. Tout d’abord elle nous ressert la soupe du « chômeur/profiteur » qui vivrait mieux au chômage qu’en travaillant, et que c’est pour ça qu’il ne cherche pas de travail. Tout d’abord il ne faut pas oublier qu’en France, près de 6 chômeurs ou chômeuses sur 10 ne sont pas indemnisés. Ensuite, plusieurs enquêtes menées par les syndicats et associations de chômeurEs montrent que le revenu mensuel moyen des indemnités se situe en dessous du seuil de pauvreté. Quand on vit avec 500 euros ou moins par mois, il est en effet difficile de chercher du travail. Comment consacrer une partie de son temps à la recherche d’un emploi lorsque chaque jour est une survie ?
Ensuite, Mme Borne nous dit qu’il y a plus d’un million d’annonces d’emploi non pourvues à ce jour. Après étude, notamment par le comité de chômeurs CGT, près de 60 % des offres sur le site poleemploi.fr sont soit inexistantes, soit mensongères soit illégales. On est donc très loin des propos avancés par la ministre du Travail.
En juin dernier, le Conseil d’État avait suspendu les règles de calcul du montant de l’allocation chômage prévues par le gouvernement en raison des incertitudes pesant sur la situation économique. Quelle est la position du pouvoir aujourd’hui ?
Aujourd’hui le gouvernement veut faire passer cette réforme quoi qu’il arrive, sans respecter la décision du Conseil d’État. Bien sûr, ils ont revu une partie de leur copie suite à la décision prise par le même Conseil d’État fin juin, du fait des recours juridiques déposés par plusieurs organisations syndicales et associations de chômeurs et chômeuses, mais il ne sont pas revenus sur le fond de cette réforme qui doit faire faire à l’État plusieurs milliards d’euros d’économie sur le dos des plus précaires, quand l’État continue les cadeaux fiscaux et les perfusions financières aux grandes entreprises.
Les confédérations syndicales semblent vouloir de nouveau saisir le Conseil d’État. Sur quelles bases ?
Tout d’abord parce que cette réforme est indigne et que dans la période que nous vivons actuellement il faudrait se pencher sur une vraie politique de l’emploi et de l’indemnisation des privéEs d’emploi plutôt que de les condamner à encore plus de précarité. Cette réforme avait été rédigée à une période où il semblait y avoir un mieux au niveau de l’emploi, mais la situation économique n’a pas changé, il n’y a aucune amélioration des chiffres du chômage. Seule un légère diminution des chômeurs et chômeuses de catégorie A, mais qui n’est en rien significative, permet à l’État de s’appuyer pour faire passer sa réforme « quoi qu’il en coûte ».
En dehors de cette bataille juridique, quelles ripostes sont en préparation par les organisations syndicales, les organisations de chômeurSEs ?
Il est et a toujours été très difficile de mobiliser sur le thème de l’assurance chômage. Tout d’abord parce qu’il est difficile de mobiliser les chômeurs et chômeuses, et aussi parce que c’est une problématique qui a du mal à s’ancrer dans le monde du travail. Pourtant, cela n’aura échappé à personne, nous ne sommes plus dans une situation de plein emploi. Aujourd’hui les carrières longues dans une seule et même entreprise se font de plus en plus rares et de plus en plus de travailleurs et travailleuses se retrouvent confrontés au chômage à un moment ou un autre de leur parcours professionnel. De plus, dans la situation actuelle, il est primordial de comprendre que de bonnes conditions d’indemnisation chômage permettent aux personnes qui ont un emploi de négocier de bonnes conditions de travail. En effet lorsqu’un travailleur ou une travailleuse sait que le solidarité interprofessionnelle va le ou la prendre en charge en cas de perte d’emploi ou d’emploi discontinu, alors il ou elle n’accepte plus de travailler à n’importe quel salaire et dans n’importe quelles conditions.
Pour ce qui est de la mobilisation, nous avons vu, suite à l’occupation du Théâtre national de l’Odéon, plus de cent lieux de culture occupés au printemps pour exiger le retrait de cette réforme. Cette mobilisation a permis de soutenir les différents recours devant le Conseil d’État et a vu, au mois de juin, le report de l’application de la réforme au 1er octobre. De cette mobilisation est née un mouvement national qui s’appelle « Occupons partout ». Depuis la rentrée, un peu partout en France, les assemblées générales de ce mouvement ont eu lieu pour réfléchir aux modes d’actions à mettre en œuvre contre cette réforme. À Paris, la première AG a eu lieu à l’appel de ce mouvement et de la CGT-Spectacle le 6 septembre. Une autre a eu lieu ce lundi 27 septembre. Plusieurs autres actions sont organisées. Ce lundi, par exemple, des militantEs d’association de chômeurs (APEIS), du comité national de chômeurs CGT et d’Occupation Odéon se sont rendus à l’agence Pôle emploi de Vitry-sur-Seine pour y interpeller la ministre du Travail, qui venait y faire une opération de communication. Cette semaine, jusqu’au 1er octobre, devrait être une semaine d’animations et d’actions autour de cette réforme, et ce au niveau national.
Bien sûr le prochain grand rendez-vous que nous avons est la manifestation du 5 octobre.
Propos recueillis par Robert Pelletier.