Publié le Jeudi 6 août 2015 à 01h12.

« Révolution permanente et internationaliste », une question essentielle dans le débat stratégie

« Révolution permanente et internationalisme » est l’intitulé du troisième sujet du premier thème en discussion dans le cadre du débat « stratégie ». Au premier abord, le contenu de ce sujet n’est pas évident. Il évoque des références qui jalonnent l’histoire du marxisme et du mouvement révolutionnaire : les discussions autour des révolutions de 1848 et le lien entre lutte contre l’absolutisme pour la démocratie et lutte pour le socialisme ; au début du XXème siècle, la même discussion se retrouve autour de la compréhension du processus révolutionnaire qui s’engage en Russie, comment la lutte contre l’absolutisme débouche sur le pouvoir des travailleurs ;  puis la bataille sur la révolution chinoise de 25-27 et le lien entre les luttes pour l’émancipation nationale et la lutte pour le socialisme.  Cette dernière discussion a débouché sur la théorie de la révolution permanente résumée dans des thèses par Trotski en 1929.

Par la suite, lors des révolutions nationales après la deuxième guerre mondiale, cette théorie a reçu une interprétation  qui justifiait l’idéalisation des mouvements nationalistes. La théorie dit que la bourgeoisie est incapable de réaliser l’indépendance nationale, les tâches démocratiques, seul le prolétariat peut le faire, donc l’État maoïste est un État ouvrier…

D’une théorie définissant une stratégie pour le mouvement ouvrier, elle devenait un dogme plaqué sur les événements. Il ne s’agissait plus de raisonner sur les faits mais de déduire de la théorie la nature des faits ! Ainsi la théorie permettait-elle d’affirmer la nature ouvrière et socialiste de l’État chinois sous Mao, de Cuba après la révolution, du Vietnam du Nord…

Cette compréhension mécanique de la révolution permanente revient à gommer l’essentiel, l’affirmation du caractère international du processus révolutionnaire, « le creuset de la révolution mondiale ».

Et surtout, d'une théorie qui s'était forgée dans la contestation des dogmatismes, depuis la lutte de Marx au début du mouvement communiste et lors de la révolution de 1848, jusqu'à Trotsky dans la lutte contre le stalinisme et la conception de la révolution par étape, il était fait un nouveau dogme.

L'enjeu de notre discussion actuelle est de nous réapproprier collectivement cette conception de la révolution en permanence contre toutes les compréhensions dogmatiques de la transformation révolutionnaire de la société.

Cela passe par différents objectifs.

Le premier est d’établir le fil rouge, la continuité du mouvement révolutionnaire, la courbe du développement révolutionnaire parallèlement à la courbe  du développement du capitalisme.

Le deuxième est de penser la révolution comme un processus, non le grand soir qui un jour peut-être, ni comme une incantation, mais comme un processus à l’œuvre dans le développement social, ses contradictions qu’il nous faut comprendre et saisir. La révolution n’est pas une croyance  mais un processus à l’œuvre à travers les contradictions du capitalisme dont nous voulons être les acteurs. Non parce que nous serions les détenteurs d'une quelconque vérité mais tout simplement parce que cette lutte est l'expression la plus achevée de notre révolte, condition de notre propre liberté, de notre propre épanouissement, de notre propre émancipation.

Le troisième est que notre tâche est de formuler une politique pour la révolution à partir de la compréhension de ce processus, des exigences qu’il pose, en combinant revendications immédiates, questions démocratiques et la question du pouvoir. Cette politique s'écrit chaque jour en fonction du niveau de conscience, de notre propre niveau de conscience collectif, c'est à dire de nos liens réels avec les masses, de notre capacité à exprimer leurs aspirations, d'aider aux évolutions.

Le quatrième est de comprendre ce processus dans sa dimension internationale avec en conséquence une politique internationaliste : « la théorie de la révolution permanente envisage le caractère international de la révolution socialiste qui résulte de l'état présent de l'économie et de la structure sociale de l'humanité. L'internationalisme n'est pas un principe abstrait : il ne constitue que le reflet politique et théorique du caractère mondial de l'économie, du développement mondial des forces productives et de l'élan mondial de la lutte de classe, La révolution socialiste commence sur le terrain national, mais elle ne peut en rester là. » Thèses sur la révolution permanente, Trotsky.

Cette compréhension du processus est en particulier au cœur de nos discussions sur l’Europe  qui doivent faire le lien entre le terrain national et le terrain européen, international, pour combattre une nouvelle mouture de la révolution par étape.

En fait, nous reprenons une discussion qui jalonne toute l'histoire du développement du marxisme comme pensée vivante : « le marxisme n'est pas une baguette de maître d'école supra-historique, mais bien une analyse sociale des voies et des moyens du processus historique tel qu'il se déroule réellement. » Trotsky, Bilan et Perspectives, Préface à l'édition russe de 1919

1) La portée d'une théorie

Marx et Engels formulèrent les premiers éléments de la théorie de la révolution permanente à travers les révolutions de 1848 : « La position du parti ouvrier révolutionnaire vis-à-vis de la démocratie petite-bourgeoise est la suivante : il marche avec elle contre la fraction dont elle poursuit la chute; il s'oppose à elle toutes les fois qu'elle veut établir ses propres positions...

... Tandis que les petits bourgeois démocratiques veulent amener la révolution à son terme au plus vite... notre intérêt, notre tâche est de rendre la révolution permanente, jusqu'à ce que toutes les classes plus ou moins possédantes aient été écartées du pouvoir, que le pouvoir d'Etat ait été conquis par le prolétariat et que non seulement dans un pays, mais dans tous les pays qui dominent le monde, l'association des prolétaires ait fait assez de progrès pour faire cesser dans ces pays la concurrence des prolétaires et concentrer dans leurs mains du moins les forces productives décisives. Pour nous, il ne saurait être question de la transformation de la propriété privée mais de son anéantissement; il ne saurait être question de masquer les antagonismes de classes mais de supprimer les classes; non pas d'améliorer la société existante mais d'en fonder une nouvelle...

... Si les ouvriers allemands ne peuvent s'emparer du pouvoir et faire triompher leurs intérêts de classe sans passer par toute une évolution révolutionnaire d'une assez longue durée, ils ont, cette fois du moins, la certitude que le premier acte du drame révolutionnaire imminent coïncide avec le triomphe direct de leur propre classe en France et s'en trouve accéléré.

« Mais ils doivent contribuer eux-mêmes au maximum à leur victoire finale en prenant conscience de leurs intérêts de classe, en se posant aussitôt que possible en parti indépendant, sans se laisser détourner un seul instant, par les phrases hypocrites des petits bourgeois, de l'organisation autonome du parti du prolétariat. Leur cri de guerre doit être : « la révolution en permanence ».

(Adresse du Comité central de la Ligue des communistes, mars 1850).

Nous sommes en 1850, Marx affirme sans la moindre réserve, au lendemain de la défaite de 1848, l'ambition du mouvement communiste tout en situant cette perspective au cœur du mouvement réel non pour accuser ou dénoncer formellement mais pour définir le cadre des alliances dans une perspective d'ensemble du point de vue du parti ouvrier. Ce dernier ne se définit pas par rapport aux autres mais bien par rapport aux perspectives mêmes du prolétariat.

A cette époque Marx et Engels mènent la lutte sur deux fronts. Ils définissent une politique vis à vis de la petite bourgeoisie démocratique tout en ayant pris pleinement part aux révolutions démocratiques bourgeoises comme aile gauche, radicale et ils se démarquent des sectes qui cherchent à imposer au mouvement leurs principes.

Trotsky se situe en continuité avec le raisonnement, l'attitude, la démarche politique de Marx.

Le premier texte qui formule les éléments qui se développeront dans la théorie de la Révolution permanente est Bilan et perspective écrit au lendemain de la révolution de 1905.  Il y décrit le processus révolutionnaire qui travaille la Russie dans la continuité des bouleversements inaugurés par la révolution française pour reprendre la compréhension de Marx du rôle du prolétariat dans le processus de la révolution bourgeoise à l'époque où le capitalisme a déjà triomphé pour être l'aile marchante de la liquidation du vieil ordre féodal, suppléer aux faiblesses de la bourgeoisie paralysée par sa crainte des masses pour conquérir le pouvoir et engager la lutte vers le socialisme.

Quand après l'écrasement de la deuxième révolution chinoise Trotsky reprend la question, en 1929, il en élargit la portée en en définissant trois aspects essentiels : « Elle démontrait qu'à notre époque l'accomplissement des tâches démocratiques, que se proposent les pays bourgeois arriérés, les mène directement à la dictature du prolétariat, et que celle-ci met les tâches socialistes à l'ordre du jour. Toute l'idée fondamentale de la théorie était là. Tandis que l'opinion traditionnelle estimait que le chemin vers la dictature du prolétariat passe par une longue période de démocratie, la théorie de la révolution permanente proclamait que, pour les pays arriérés, le chemin vers la démocratie passe par la dictature du prolétariat. Par conséquent, la démocratie était considérée non comme une fin en soi qui devait durer des dizaines d'années, mais comme le prologue immédiat de la révolution socialiste, à laquelle la rattachait un lien indissoluble. De cette manière, on rendait permanent le développement révolutionnaire qui allait de la révolution démocratique jusqu'à la transformation socialiste de la société.

« Sous son deuxième aspect, la théorie de la révolution permanente caractérise la révolution socialiste elle-même. Pendant une période dont la durée est indéterminée, tous les rapports sociaux se transforment au cours d'une lutte intérieure continuelle. La société ne fait que changer sans cesse de peau. Chaque phase de reconstruction découle directement de la précédente. Les événements qui se déroulent gardent par nécessité un caractère politique, parce qu'ils prennent la forme de chocs entre les différents groupements de la société en transformation. Les explosions de la guerre civile et des guerres extérieures alternent avec les périodes de réformes " pacifiques ". Les bouleversements dans l'économie, la technique, la science, la famille, les mœurs et les coutumes forment, en s'accomplissant, des combinaisons et des rapports réciproques tellement complexes que la société ne peut pas arriver à un état d'équilibre. En cela se révèle le caractère permanent de la révolution socialiste elle-même.

Sous son troisième aspect, la théorie de la révolution permanente envisage le caractère international de la révolution socialiste qui résulte de l'état présent de l'économie et de la structure sociale de l'humanité. L'internationalisme n'est pas un principe abstrait : il ne constitue que le reflet politique et théorique du caractère mondial de l'économie, du développement mondial des forces productives et de l'élan mondial de la lutte de classe, La révolution socialiste commence sur le terrain national, mais elle ne peut en rester là. La révolution prolétarienne ne petit être maintenue dans les cadres nationaux que sous forme de régime provisoire, même si celui-ci dure assez longtemps, comme le démontre l'exemple de l'Union soviétique. Dans le cas où existe une dictature prolétarienne isolée, les contradictions intérieures et extérieures augmentent inévitablement, en même temps que les succès. Si l'Etat prolétarien continuait à rester isolé, il succomberait à la fin, victime de ces contradictions, Son salut réside uniquement dans la victoire du prolétariat des pays avancés. De ce point de vue, la révolution nationale ne constitue pas un but en soi ; elle ne représente qu'un maillon de la chaîne internationale. La révolution internationale, malgré ses reculs et ses reflux provisoires, représente un processus permanent. »

On le voit, la conception de la révolution en permanence recouvre la façon dont les marxistes abordent la question stratégique pour ancrer la volonté et l'action révolutionnaire dans les réalités pratiques et concrètes du mouvement.

2) La courbe du développement du mouvement ouvrier

« La force principale du socialisme scientifique réside dans le fait qu’il pose un but émancipateur – la libération du prolétariat, du travail et de l’humanité tout entière de toutes les conditions qui sont indignes de l’humanité – comme découlant du mouvement réel de la société et de l’histoire. Des contradictions internes du mode de production capitaliste, scientifiquement établies et attestées par deux siècles d’histoire, contradictions qu’aucun État, qu’aucune religion, qu’aucune terreur, qu’aucune «société de consommation » ne peuvent supprimer, il résulte, d’une part, une chaîne de crises de système successives dans le domaine économique, social, culturel, politique, militaire, moral, idéologique, ce qui se trouve totalement confirmé par le développement historique réel. Il en résulte, d’autre part, une tendance historique à l’organisation du travail salarié, un des présupposés les plus importants qui dérive de l’analyse marxiste de la société capitaliste en particulier. Il suffit de rechercher combien il y avait de salariés syndicalement organisés à l’échelle mondiale en 1847-48, combien en 1900, combien en 1948 et combien aujourd’hui, pour reconnaître l’exactitude de cette affirmation (qui d’autre que Marx avait prévu cela au milieu du XIXe siècle ?). Il n’est aujourd’hui aucun pays au monde, pas la plus petite île du Pacifique, où existe le travail salarié, sans qu’il en résulte inéluctablement une lutte de classes élémentaire entre le capital et le travail, sans que les salariés tentent de créer des organisations élémentaires d’autodéfense et de lutte. »

Ernest Mandel, Emancipation, science et politique chez Karl Marx,1983.

C'est dans cette continuité du développement du mouvement ouvrier que nous inscrivons notre combat qui y puise ses idées, sa force, sa raison d'être et ses perspectives. Plutôt que la formule sans contenu et quelque peu prétentieuse de reprendre le meilleur du mouvement ouvrier qui était celle des principes fondateurs du NPA, sans doute est-il plus fécond d'inscrire notre continuité dans la lutte des prolétaires, de la classe ouvrière, avec leurs forces et faiblesses.

Cette continuité, c'est celle d'un courant politique, le marxisme révolutionnaire conçu et pensé, pratiqué non comme une idéologie, un dogme mais comme une démarche scientifique, vivante, visant à comprendre le monde pour le transformer ou être les acteurs les plus conscients de sa transformation.

3) la révolution comme un processus dialectique

« Les tâches générales auxquelles l'humanité laborieuse est confrontée dans son ensemble, à savoir la création d'une société socialiste sans classes, ne peuvent être réalisées qu'à l'échelle mondiale. Il y a donc intégration progressive de tâches spécifiques et de tâches générales au cours du processus de révolution mondiale. Mais il ne s'agit point d'opposer un ultimatisme littéraire, abstrait, au processus concret de la révolution mondiale. Il s'agit au contraire d'une intégration concrète des tâches au cours du processus concret de la révolution lui-même ».

Ernest Mandel, Actualité du Trotskysme, 1978.

Nos perspectives, le socialisme, le communisme et, en liens avec eux, nos objectifs et tâches immédiats sont incompréhensibles si nous ne sommes pas capables de les inscrire dans le développement de la société, de la lutte des classes telles qu'elles se déploient. De nos perspectives découlent nos tâches pour intervenir dans la lutte de classe réelle.

Le mouvement réel des masses dans leur diversité et leur hétérogénéité n'obéit pas aux clivages politiques voire moraux à partir desquels les dogmatiques prétendent façonner le mouvement à leur volonté.

Nous devons être dans le mouvement, porté par lui, tel qu'il est pour l'influencer, aider à son évolution réelle, pratique et concrète. Les accusations morales y sont impuissantes. Il obéit à des rythmes imprévisibles.

Le besoin de certitude du dogmatique, son besoin irrépressible de porter un jugement dans lequel il contemple sa propre valeur, l'empêche de penser un monde ouvert, riche de possibles dont aucune n'est fermée ni définitives.

4) Grèce, Europe, la révolution par étape ou la révolution permanente ?

Les questions soulevées par les nouveaux éléments révolutionnaires qui surgissent de l'approfondissement des contradictions du capitalisme globalisé, les révolutions arabes, d'abord, puis la crise européenne dont la Grèce est le nœud, donnent un contenu concret à nos discussions. Il s'agit d'une discussion pratique pour définir une démarche politique.

A défaut de cette démarche fondée sur la compréhension des rythmes des événements, les révolutionnaires oscillent entre illusions et abattement. Les révolutions arabes en sont une illustration où l’enthousiasme a vite été désarmé, ne pouvant mettre les événements en perspective comme y invitait le livre de Gilbert Achkar, Le peuple veut, pour être en mesure de définir des objectifs à la mesure des forces et des rapports de force.

La question grecque est un autre exemple, une autre expérience. Là encore il nous faut penser nos taches en fonction des perspectives. A défaut trois attitudes se disputent.

La première, la solidarité qui, à défaut de définir des objectifs politiques, a souvent pris un contenu dicté par le rapport de force, un soutien plus ou moins critique au gouvernement Syriza.

Une deuxième, à l'opposé, prétend trouver une réponse immédiate, simple, indépendamment des rapports de force, dans la sortie de l'euro et n'a pas de mots assez durs pour condamner Tsipras qui reste dans le cadre de l'euro. Cette réponse  mélange nos voix avec celles des démagogues d’extrême-droite. Elle est au mieux une reprise du mythe stalinien de la révolution par étape combattu par Trostky.

Une troisième prétend apporter une autre réponse au gouvernement Tsipras, une alternative,  des mesures possibles dans le cadre de l'euro qu'expose Éric Toussaint.

Ces trois démarches oublient l'essentiel, la question de fond, l'élément décisif du rapport de force, le niveau de conscience des travailleurEs, de leur capacité à intervenir dans les événements pour défendre leur propre politique, leur propre programme, et s'organiser pour cela. Ce que souligne Husson mais sans aller jusqu’au bout du raisonnement.

Le seul niveau où nous pouvons agir est celui-là. Le plan que les révolutionnaires doivent imaginer, le plan C, est le plan de luttes et de conquête de la démocratie par la classe ouvrière en travaillant à mettre concrètement en œuvre une démarche transitoire sans prétendre avoir de réponse immédiate indépendamment des rapports de force.

A travers ces nouveaux moments de la révolution à l'œuvre, nous portons des réponses aux drames engendrés par la politique des classes dominantes. Ces réponses ont pour point de départ la capacité des prolétaires à se mobiliser pour leurs propres droits, les salaires, les retraites, les services publics, pour en finir avec l'austérité et annuler la dette. Ces luttes n'ont pas pour perspective le repli national, le retour à la monnaie nationale, non, elles se tournent vers les autres travailleurs et peuples de la zone euro. Pas pour leur dire, la première étape de la lutte, c'est le retour aux monnaies nationales !

Prétendre que les frontières nationales sont une protection est une illusion, pour des révolutionnaires une mystification.

Si l'ennemi nous y contraint, nous nous battrons derrière la ligne de résistance qu'aura tracée le combat mais nous ne faisons pas des frontières de l'Etat de la bourgeoisie une arme pour les travailleurs !

Nous appelons à la révolution en permanence. Aucun sacrifice pour les banques comme pour la bourgeoisie grecque et son amie l'Eglise orthodoxe, à eux de payer la dette, pas à nous. Défendons nos salaires et nos retraites, refusons les privatisations, la braderie des richesses que nous avons produites. La démocratie ce n'est pas le contrôle de l’État grec par la troïka mais par les travailleurEs, la population. Notre Europe à nous, ce n'est celle de la dette, de la concurrence et des profits, notre Europe à nous, c'est celle de la solidarité des travailleurs et des peuples. Nous ne voulons pas sortir de l'Europe parce que nous voulons construire notre Europe contre la leur.

S'ils osent nous en exclure, ce que nous ne craignons pas,  nous en appellerons aux travailleurs et aux peuples pour qu'ensemble nous renversions cette oligarchie financière qui impose son talon de fer.

Rompre avec les institutions du capital en Grèce comme en Europe, ce n’est pas revenir à la drachme, mais combattre, aujourd’hui et maintenant, pour une Europe des travailleurs et des peuples.

5) le creuset de la révolution mondiale

La révolution permanente est étrangère à toute concession au nationalisme, sa stratégie conteste les limites nationales même si elle peut être contrainte ou si elle est contrainte de s'y adapter ou de composer avec elle, mais jamais de son plein gré.

C'est bien aux exploités d'Europe que les travailleurEs grecs ont à s'adresser mais aussi aux exploités du monde entier. Chaque lutte, chaque crise est un moment de l'émergence d'une nouvelle conscience internationaliste

«Le marxisme procède de l’économie mondiale considérée non comme la simple addition de ses unités nationales, mais comme une puissante réalité indépendante créée par la division internationale du travail et par le marché mondial qui, à notre époque, domine tous les marchés nationaux» écrivait Trotsky. C'est cette réalité objective qui façonne les consciences comme elle est la base objective de notre politique,  dans le même temps qu'elle détruit tous les vieux repères, les vieilles références créant le terrain aux pires démagogues nationalistes d'extrême-droite ou religieux islamistes intégristes. La réponse des classes opprimées est l'audace de la solidarité et de la fraternité des exploités au mépris des frontières, d'imaginer un autre monde pour lui donner vie dans les combats.

Cela n'adviendra pas par la simple logique des évolutions économiques, bien au contraire. Dirigées par le fouet de la concurrence capitaliste, ces évolutions conduisent au pire. Les transformations révolutionnaires progressistes seront l'œuvre des masses opprimées ayant pris conscience de leur rôle, de leur tâches, de leur avenir, de celui de l'humanité.

Les bases objectives de cette prise de conscience existent ; sans doute avons-nous besoin collectivement de nous approprier les possibilités, les potentialités qu'elles recèlent en elles pour trouver la force, l'imagination, la compréhension nécessaire pour redonner un contenu dynamique, concret et vivant à la perspective du socialisme et du communisme.

6) En guise de conclusion, quelques implications concrètes pour notre travail  collectif

« L’émancipation, la science et la politique se combinent ainsi à chaque niveau du marxisme à celui de la théorie «pure » ; à celui de la théorie appliquée et à celui de la praxis politique quotidienne. Seule cette politique correspond aux critères marxistes et s’appuie sur l’élévation de la conscience de classe, de la confiance en soi et de la capacité d’action des larges masses. C’est dans la deuxième strophe de l’Internationale que l’esprit du marxisme est le mieux résumé à ce propos : «Il n’est pas de sauveur suprême, Ni Dieu, ni César, ni Tribun, Producteurs, sauvons-nous nous-mêmes, Décrétons le salut commun. » » écrivait, en 1983,  Ernest Mandel dans Emancipation, science et politique chez Karl Marx.

Au regard des immenses tâches qui s'ouvrent devant nous qui donnent toute leur actualité à ces lignes, il y a urgence à sortir des formalismes, des conceptions toutes faites, des recettes, des modèles de parti qui sont autant de motifs de querelles et de divisions qui paralysent le mouvement révolutionnaire. Sinon, la référence au trotskysme devient elle aussi une formule creuse, un mythe.La discussion sur la révolution permanente nous y invite et encourage. Avant d'être à même de gagner un crédit minimum auprès d'une fraction même minime de la classe ouvrière, de la jeunesse, faudrait-il d'abord que le mouvement révolutionnaire réussisse à dépasser ses propres limites, soit capable d’unir ses forces, que nous accomplissions cette révolution culturelle qui nous rende fiers d'être démocratiques, solidaires, respectueux des autres militantEs, capables d'agir en toute transparence sur les idées comme les objectifs que nous nous fixons, de construire un cadre collectif pour l’élaboration comme l’action sans craindre aucun débat ni aucune confrontation.

Il est, malheureusement, clair que si nous n'accomplissons pas cette révolution dans les mois qui viennent, nous compromettrions gravement si ce n'est définitivement le projet du NPA. Ce serait un énorme gâchis au prix de  nouvelles ruptures qui nous ramèneraient bien en arrière.

La révolution en permanence n’est pas un simple processus objectif indépendant des facteurs subjectifs, dont les choix que nous pouvons faire, une compréhension aussi du processus à travers lequel peut se développer le mouvement révolutionnaire, se construire des partis de masse. Les hommes sont les acteurs de leur histoire dans des conditions que ne dépendent pas de leur volonté mais dans lesquelles leur choix, leur volonté deviennent des facteurs objectifs…

                                                                                  Yvan Lemaitre, le 29/07/2015