Publié le Samedi 4 juillet 2015 à 08h17.

Sur l'impérialisme au XXI° siècle

On trouvera sur le site NPA une contribution relative à l'impérialisme moderne.

L'idée est évidemment de tenter de dégager ce qui est nouveau depuis l'époque de Lénine et de ses fameux critères caractérisant l'époque impérialiste. Il ne saurait en effet être question de répéter à l'infini des textes qui s'appuyaient sur une réalité qui a profondément évolué en un siècle !

L'impérialisme libéral ou le néolibéralisme, comme on veut, s'est cristallisé en 1991 après une gestation qui débute en 1978-79. Cette période se caractérise par deux aspects décisifs :

  • Le capital financier domine désormais sans partage, il s'est subordonné le capital industriel ou commercial.

  • Nous sommes désormais face à un marché pleinement mondial, où les capitaux comme les marchandises circulent quasiment sans entraves d'un point du globe à un autre.

Financiarisation

Un ouvrage scolaire récent indique que la capitalisation boursière mondiale serait passée de 1 400 MM$ en 1975 à 17 000 MM$ en 1995, soit un taux de croissance annuel moyen de 13,25%. Depuis, cette tendance se poursuit.

A l'évidence, ces chiffres montrent un décrochage permanent des marchés boursiers d'avec l'économie réelle qui n'a évidemment pas crû à ce rythme. En clair, on assiste depuis ces années à une orgie de création de capital fictif, cette forme de capital tendant à s'émanciper du processus de création de valeur effective, de productions de richesses, donc à dépasser les limites propres au capitalisme.

Mais comme l'écrivait Marx, « la production capitaliste tend sans cesse à dépasser les limites qui lui sont immanentes, mais elle n'y parvient qu'en employant les moyens, qui de nouveau, et à une échelle plus imposante, dressent devant elle les mêmes barrières ». Ce qui se traduit par l'affaiblissement « systémique » du système, les crises à répétition, etc. Ce n'est pas sans raison si la longue crise actuelle s'est déclenchée dans la sphère financière.

Mondialisation

De diverses discussions, il ressort que sans doute cet aspect de la question aurait-il demandé de plus longs développements et clarifications.

En tout cas, lorsque Lénine parlait de l'exportation de capitaux, il s'agissait de mécanismes permettant aux puissances impérialistes d'écouler leurs productions : "La construction des chemins de fer brésiliens est réalisée principalement avec des capitaux français, belges, britanniques et allemands. Les pays intéressés s'assurent, au cours des opérations financières liées à la construction des voies ferrées, des commandes de matériaux de construction"1.

De nos jours, ce qui est marquant, ce sont les Investissements Directs à l’Étranger. Les mesures de décloisonnement prises par tous les grands impérialismes à partir des années 80 ont permis une véritable explosion de ces IDE, les capitaux peuvent se déplacer d'une zone à l'autre sans entraves. Ainsi, le volume de ces IDE était déjà passé de 55 MM$ en 1980 à 560 MM$ en 20032.

Ces mécanismes pèsent durement sur le coût du Travail, tendent à la remise en cause d'un acquis après l'autre. Ainsi que l'écrit Fr. Chesnais : « Cette mise en concurrence donne à chaque bourgeoisie, (...) une position de force, inédite historiquement, à l’égard de ses « propres travailleurs », qui incluent les travailleurs immigrés avec ou sans papiers. Chaque classe dominante, si faible qu’elle soit, est adossée au capital comme rapport d’exploitation et de domination mondial et c’est au capital comme bloc que les travailleurs se heurtent en dernière instance, partout où ils sont en lutte ».

Contre-révolution sociale internationale

Il faut prendre la mesure de ceci. On assiste actuellement à une offensive générale pour aboutir à une modification profonde des rapports entre Capital et Travail.

Dans les vieilles métropoles impérialistes telles que la France, la position des couches supérieures de la classe ouvrière – celles qui ont littéralement porté le mouvement ouvrier (les « cols bleus ») – voient leur positions remises en cause au fil des délocalisations rythmées par les IDE. Tendanciellement, c'est vers un prolétariat dual qu'on se dirige. D'une part une mince couche de travailleurs hautement qualifiés etrelativement privilégiés. De l'autre, une masse de travailleurs déqualifiés, précarisés et mis en concurrence de plus en plus directe avec ceux des pays dits à « cheap labor » - Chine, Maroc, Slovaquie, etc.

Comme souvent, c'est vers la Grande-Bretagne qu'il faut regarder pour sonder l'avenir. Dans la discrétion, le gouvernement Cameron y a mené une offensive terrible contre sa classe ouvrière. Le symbole de tout ceci, ce sont les zero hour contracts, qui obligent un travailleur à se rendre disponible au moindre appel de son « employeur », sans que celui ne s'engage ni en termes de revenu minimum ni en termes de durée d'emploi minimum. Bref, une forme moderne d'esclavage (même pas) salarié...

A l'évidence, ce précariat atomisé, divisé, ne dispose pas de l'homogénéité de conditions qui permit au prolétariat des « trente glorieuses » d'obtenir les acquis qu'on sait. Même si la crise du mouvement ouvrier est avant tout le produit d'orientations qu'il faut combattre, il n'en demeure pas moins que la structure même du capitalisme du XXI° siècle pose des défis redoutables à ce qui persiste du mouvement ouvrier.

La discussion n'a rien d'académique, donc.

Pascal Morsu 

  • 1. Lénine : l'impérialisme. Ch . IV.
  • 2. Source : CNUCED.